News for juillet 2010

Vis ma vie de Belge

Mercredi dernier, c’était la fête nationale de les Belges. Qu’il me soit permis ici de leur faire des poutoux tout partout.

Car les chiffres sont sans appel: un dixième de toi, lectorat de ces trois derniers mois, est un ressortissant de la Belguique. Un sur dix. Bam, si y’a cent connexions d’un coup (bon, ok, j’en suis loin), dix d’entre toi ont le coeur noir-jaune-rouge. Fieu.

C’est incroyable, hein Bébert ?

Albert II aime les jolis tissus.

(Ce qu’il a de bien avec Bébert, c’est qu’il aime les matières nobles et les tissus d’ameublement.)

Ce billet est donc consacré à toi, ami(e) Belge, mon voisin, mon presque-frère. Tu m’enverras une caisse de gueuze, tu seras gentil.

Tout récemment, je suis allé dans le Bordelais. C’est-à-dire en Gironde, où les départementales serties de vignes serpentent entre châteaux prestigieux, domaines de renom et caves réputées, et retentissent du doux glouglou des goulots dégorgés. On m’avait indirectement convié, en tant qu’arrière-ban de l’amitié (comprendre: pote de pote), à une soirée piscine dans une grande maison campagnarde à jardin.

Je ne pouvais décemment pas me dérober. D’autant que je n’y connaissais personne, qu’il devait y avoir, je cite, «des jolies filles qui sont en droit», et que c’était par conséquent l’occasion idéale pour réaliser une grande prestation scénique (comprendre: tenter de tenir une vaste supercherie toute la nuit sans flancher).

En discutant avec les copains qui m’invitaient à cette soirée, on a réfléchi à divers métiers susceptibles de donner du rêve à l’étudiante sympathisante UMP. Emergèrent successivement les professions médicales (dentiste, sage-femme), mais il y avait le risque de tomber sur «des jolies filles qui sont en médecine» ; puis les professions où on gagne bien sa vie (agent immobilier), mais vu que je suis mal rasé et chaussé de Converse j’ai bof le profil ; puis enfin la belle profession d’archéologue, chercheur reconnu qui reviendrait d’une fouille en Azerbaïdjan, menant une vie de danger avec un chapeau et un plumeau aux quatre coins du monde.

«J'espère qu'il va arrêter de m'appeler Junior», songeait Indy.

On a donc commencé à chercher des noms de civilisations disparues en Azebaïdjan, merci Wikipédia, lorsque l’évidence s’imposa: incarner un archéologue, c’est chiant comme la pluie.

«Alors tu vois, là je bossais sur la tribu Uru, une tribu des hauts plateaux qui vouait un culte aux abricotiers, c’était très émouvant de mettre au jour tous ces vestiges d’époques révolues, tous ces témoignages d’un temps pas si éloigné du nôtre…
-Oui alors si je résume, ton métier c’est d’épousseter des morceaux de poterie sous le cagnard, quoi.»

Comme changer de métier c’était pénible, j’ai pris un virage à 180°. J’ai décidé de me faire passer pour toi.

(Ami Belge.)

On m’a donc présenté, dès le début de la soirée, comme extrêmement Wallon. Spéciale dédicace au dixième de toi, coquin de lectorat.

Un Belge, un vrai, né officiellement à Namur, mais installé en France depuis longtemps. À part cette bénigne usurpation de nationalité, le reste n’était que pure vérité: journaliste à Paris, ayant vécu un peu à Bordeaux, et la voix dépourvue du moindre accent, hein, ne sombrons pas dans la caricature crasse.

Ce fut une belle expérience scientifique. Je ne regrette rien.

Quatre constatations qui font que finalement, c’est pas si facile que ça d’être Belge en France:

1. Sans vouloir généraliser, oh et puis si, le Français voit le Belge comme une bête curieuse. Du coup, il ne lui parle que du plat pays et s’arrête à ça. C’était assez étrange mais ce soir-là j’ai très rapidement cessé d’être un être humain pour me contenter d’être une nationalité (et ce alors même que je n’en faisais vraiment pas des caisses sur mon émouvante jeunesse à Namur).
Admettons, pour les besoins de la sociabilité, que ce soit une porte d’entrée facile dans la conversation («ah, t’es Belge ? Elle est comment Maurane, en vrai ?»), mais de là à passer 30 minutes minimum là-dessus? Avec en plus certains interlocuteurs qui imitent pathétiquement l’accent belge (l’alcool aidant) et enchaînent les saillies sur les frites, merci bien, c’est horrible. Quant à la pédophilie, ah ah, c’était tellement récurrent qu’à un moment j’ai prétendu que la majorité sexuelle, en Belgique, était à 14 ans («Vérifie sur ton iPhone si tu veux. Ah mais oui c’est vrai y’a pas de réseau ici.»)

2. Aspect assez rigolo, c’est qu’on m’a demandé ma petite expertise sur un peu tous les sujets, façon: «Et vous, en Belgique, ça se passe comment ?». Notamment sur la situation politique du pays et le risque de partition. Moi, pas bégueule, on me demande mon analyse, je la livre la plus sérieusement du monde: «À mon sens, franchement, le jour où Albert II disparaît, c’est la guerre civile… Il y aura des barricades dans Bruxelles. Moi quand je vais en Flandre, je me fais passer pour un Français pour éviter les problèmes.»

3. Bon, y’a pas eu que des aspects négatifs: j’ai eu une longue discussion sur Benoît Poelvoorde, dont je suis un inconditionnel depuis C’est arrivé près de chez vous – un film que je suis capable de réciter en entier debout sur une jambe face à la mer, c’est dire. Notons que ma propre vision de la Belgique doit être relativement biaisée.

4. POINT CULMINANT DE MA SOIRÉE: je discutais avec un jeune local, je parlais avec toute la pureté de mon accent de Clermont-Ferrand, c’est-à-dire sans contrefaire le moins du monde les sonorités wallones, lorsqu’au détour d’un propos quelconque, l’interlocuteur m’a dit cette phrase, d’un air très concerné: «C’est vrai que quand tu parles, on entend ton accent belge.»

ACTORS STUDIO. CÉRÉMONIE DES MOLIÈRES. Ou l’étrange pouvoir de la suggestion (et de l’alcoolémie).

Je compte dès cette semaine faire une demande de nationalité ; paraît que d’ici vingt ans, avoir un passeport belge sera un souvenir hyper collector.


Nuits belges

Affaire Torun: l’enquête piétine

Cher lectorat féru des faits divers dégoulinants que Christophe Hondelatte, filmé dans la pénombre devant un panneau punaisé de coupures de presse, raconte de sa voix basse avec la gourmandise d’un oiseau charognard qui déchiquète du globe oculaire ;

Je le devine, tu es friand d’affaires.

(Ces jours-ci, il est dans l’air du temps de parler d’«affaires». Je dirais même que c’est de «rigueur», tiens.)

Au sein de la coloc, on aime bien les petits dimanche soirs devant Faites entrer l’accusé, c’est toujours beaucoup d’allégresse. Surtout quand Cricri Hondelatte, la voix astucieusement modulée pour préserver le suspense, sort son gimmick: «L’enquête piétine… QUAND SOUDAIN»

«Si le tueur est arrêté, promis, j'enfile mon blouson en cuir»

Là, on trépigne et on boit du petit lait (mais pas les deux en même temps, c’est salissant).

Lectorat, si tu aimes les «affaires», tu dois te ressouvenir de ce micmac scandinave qui me déconcerta jadis, alors que j’étais jeune, fou, insouciant et pas encore barbudetroisjours, car 2009 restera à jamais l’an I de ma friche visagale, ah et à ce propos, il faudra que je te cause du 20 août prochain, décrété officiellement journée de la moustache, ça a trait à Mathieu Amalric, mais on a le temps d’en reparler, cesse de digresser veux-tu.

Donc il est question ici de Torun, cette petite princesse nordique qui anima une de mes matinées de juin 2009 (on notera que sitôt après, je cessai de me raser à blanc, et une telle concordance dans les dates ne manquera pas ne nous faire conclure à un profond traumatisme enfoui, d’autant que je ne crois pas avoir remangé des biscottes Wasa depuis).

RÉSUMÉ DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS SI TU ES UNE GROSSE FEIGNASSE: Torun, rencontre suédoise d’un soir, décline une invitation à aller boire un verre, puis, trois mois après, m’entreprend de nuit sur le chat facebook, me tient la jambe trois bonnes heures et me convainc de me rendre à un petit rendez-vous le lendemain, auquel elle se soustrait avec la grâce du serpent, ou bien auquel elle ne se rend pas par quiproquo dans les numéros de téléphone, quoi qu’il en soit l’anecdote est rigolote.

Je n’aurais pas justifié mes copieux appointements au sein de la presse, la grande presse, si je n’avais pas profité du temps qui a coulé sous les ponts, ou alors était-ce de l’eau qui est passée par ici et qui repassera par là, peu importe, pour connaître un peu les dessous, tenants et aboutissants de cet événement si fondateur, à l’évidence, pour ma pilosité. D’autant que la protagoniste est rentrée en Suède depuis et qu’il n’y a donc plus guère d’enjeu.

Depuis un an, l’enquête piétinait (je n’m'en souciais guère, je n’m'en souciais guè-è-reuh).

QUAND SOUDAIN.

Rentrant nuitamment en mes logis, le cornet pas mal irrigué, je vois Torun connectée sur le chat facebook. Ca m’était déjà arrivé, mais je n’avais pas poussé le vice de la curiosité jusqu’à sortir de la réserve toute britannique que je conserve à la scène comme à la ville.

Oh et puis zut, au diable les convenances, j’aime bien savoir la fin des histoires moi.

-Hey Torun, what a delight, can I ask you a question ?
-Sure
-I’d just like to know, for curiosity, why you did not show up on that day ?

M’enquis-je.

-Which day? you were the one not showing up!

Ah. Heu, sauf que les souvenirs restaient assez précis dans ma tête, et qu’elle n’était pas là du tout ce jour-là. Ce que je lui notifie, mais la belle maintient sa version contre la mienne.

Et elle me ressort au passage le message que j’avais envoyé le surlendemain, déjà à l’époque pour enquêter et la faire sortir du bois: “désolé de ne pas t’avoir rappelé avant-hier, j’étais très occupé tout ça tout ça, fais-moi signe si tu passes par Paris bisous.”

-You’re the dropout in this rendez-vous i planned

Ajouta-t-elle ingénument avant de se déconnecter. Erf, nous v’là pas plus avancés qu’avant.

L’enquête, ne nous le cachons pas, est désormais au point mort.

À l’instar du sexe du chevalier d’Eon, de l’assassinat de Kennedy et du secret divinatoire de Paul le Poulpe, gageons que l’Affaire Torun sera désormais rangée au rang des Grandes Énigmes de l’Histoire de l’Humanité, et je mets des majuscules partout pour faire solennel.

D’ailleurs, comme dirait Christophe H.: «Torun n’a pas été condamnée, le délai de prescription est révolu, elle est donc officiellement considérée INNOCENTE.»

Tadam, tadam, enfilage de blouson en cuir, éteindage de lumière. La semaine prochaine, je vous parlerai de Michel Fourniret, vous inquiétez pas vous verrez des poils.

Salmigondis

Bonsoir, bonsoir à toi, affable lectorat,

Opération vérité aujourd’hui sur Circonflexions, puisque je m’en vas, l’épithète guilleret et le point-virgule sautillant, t’énumérer toute une série d’anecdotes (complètement) authentiques, (notoirement) truculentes et (potentiellement) divertissantes qui sont censées adoucir en toi le légitime courroux causé par mon silence de ces dernières semaines en justifiant à tes yeux scrutateurs mon absence façon « dispense d’EPS en classe de quatrième B », encore que, ma première phrase comportant déjà trois adverbes et plus d’une centaine de mots, ça peut s’avérer pas mal indigeste aussi, prépare-toi une petite tisane pour faire couler tout ça, genre fruits des bois, c’est bon ça, c’est ce que les Italiens, malgré tous leurs défauts, nomment joliment « Frutti di Bosco » alors que bon, nous autres marins faut pas nous prendre pour des trompettes, le bosco c’est pas la forêt mais le maître d’équipage (je plaisante en fait je ne suis pas marin, je ne suis pas capitaine, quoique POR TI SERÉ POR TI SERÉ.)

Ce billet s’intitule “Salmigondis” parce que le dernier du genre s’appelait “Miscellanées” et qu’au prochain écherra sans doute le titre “Olla-Podrida”. Je fais dans le cohérent vois-tu.

Jouons-la chronologique, si tu veux bien.

MAI 2010:

Le mois de mai fut une vaste féérie de ce jour-ci à ce jour-là ; entre les deux, on a fêté l’anniversaire de ma coloc et pour l’occasion je portais un brumisateur en bandoulière (immense succès d’estime) ; un anniversaire d’ailleurs repoussé parce que le jour initialement prévu madite coloc avait une grippe et moi une bronchite, et une telle simultanéité dans les pathologies n’eût pas manqué de semer le doute quant au caractère totalement dépourvu d’ambigüité de notre cohabitation quotidienne si, par bonheur, nous n’avions pas eu deux maladies différentes ; dans cet anniversaire on n’a pas atteint le consensus des analystes en terme de canettes/bouteilles descendues en une soirée, notamment en raison de la présence d’un invité déguisé en homme invisible via combinaison intégrale lycra qui l’empêchait de boire totalement à son aise ; vu qu’on le reconnaît pas du tout je ne résiste pas à l’envie de te lâcher une pix, eh ouais, je suis comme ça:

déguisement homme invisible

Tu admettras que ce déguisement est officiellement le meilleur déguisement du monde du mois de mai 2010, surtout le chapeau ; peu après, j’ai appris que l’absinthe pouvait parfois pousser à des sommets de témérité confinant au grandiose sur fond de traversée de Paris un dimanche à six heures du matin pour aller apporter des croissants à autrui (je te raconterai quand y’aura prescription) ; une absinthe venue d’Espagne, qu’en gens ignorants comme nous l’étions, en Apollinaires de pacotille, nous dégustions comme des sagouins, c’est-à-dire pure, sans eau ni sucre, je me déteste rien qu’à l’évoquer, mais bon sur le moment ça réchauffait et pis on faisait la grimace genre c’est hyper bon alors qu’en fait ça arrache genre dix fois plus qu’une Tête brûlée citron à la boulangerie où on allait à la sortie du collège ; entre-temps j’ai ri avec une fille qui a de l’humour ; puis je suis allé jouer les hôtes verbeux façon Edouard Baer lors d’une remise de prix à Bordeaux (équipé d’une cravate noire, car la cravate noire, c’est le respect du public) ; et sinon à la fin du mois nous allâmes au festival Primavera Sound de Barcelone et c’était bien la meilleure chose qui pouvait m’arriver au monde tellement il faisait beau, tellement la musique était coolos (mes petits préférés: Pavement et The Charlatans), tellement la bière était gratuite dans la zone VIP que mon statut de +1 m’avait permis de squatter bien illégitimement (MERCI COLOC) ; en outre la ville est jolie, je me suis baladé un peu tout seul, j’ai déambulé sans but, j’ai observé en rêvassant, suis monté au Parc Güell, bref j’ai jaugé les chances que cette ville aurait de me plaire, et par bonheur elle est à moitié en pente et les gens parlent castillan alors j’ai succombé ; d’autant que, le samedi où j’estions à Barcelone, en pleine terre catalane, l’ASM Clermont-Auvergne, club de louseurs patentés que, tant par nostalgie que parce qu’il fait partie intégrante de la geste familiale, j’aime très fort dans mon petit coeur, eh bien l’ASM Clermont-Auvergne a fessé du Catalan perpignanais pour toucher enfin le bout de bois en finale du Top 14, et dire que j’avais boycotté ce match par superstition après trois défaites en trois ans vues à la télé ; autant dire que sitôt prévenus du résultat, ma coloc et moi étions un peu incrédules devant la levée de cette malédiction, on a cru à un fake au début, puis on s’est enhardis à hurler « On est les champions, on est les champions » sur le site du festival, on avait pas l’habitude tu comprends, d’ailleurs un ami anglais nous regardait faire en levant un sourcil interloqué so British ; mieux, je dirais même que son sourcil était circonfléchi.

JUIN 2010:

Le mois de juin fut une presque tout aussi vaste féérie, puisqu’il commença en disputant un match de futbol entre bloûgueurs sur la pelouse du Parc de les Princes, au titre du lancement par Orange de 2424actu Foot, un site d’actualité qui analyse un peu ce qui se dit sur Twitter à propos de la Copa del Mundo, et même que mon équipe (les bleus) on a gagné 4-3 ce qui me permet de prétendre À TOUT JAMAIS que « Je suis invaincu au Parc des Princes », allez, re-pix, j’aime crâner à peu de frais:

Gambader sur la pelouse du Parc des Princes

C’était gentil et y’avait d’autres gens du blog de foot dont je t’ai parlé, vas-y vas-y clique voir ; puis juin déroula son manteau de gens, de biture et de nuit, j’en ai bien profité je crois, je suis allé dedans le Périgord (1er barbecue de l’année), puis dedans les frimas du Cantal (1er hiver de l’été) ; j’ai beaucoup écouté Bensé et Gaëtan Roussel, notamment après avoir rencontré tour à tour le tour-manager de Bensé et le batteur de Gaëtan Roussel (namedropping éhonté façon “Paris est un village”) ; mes chevilles ont pas mal enflé, non pas à cause de la chaleur, mais parce que j’ai reçu mon premier mail de toi, joli lectorat (en l’occurrence d’une lectrice que je salue bien bas là-bas dedans son Allemagne lointaine), ça m’a fait du chaud dans le ventre, je ne me suis plus senti de joie, ah Dieu, n’hésitez pas, envoyez-moi donc comme ça des bouffées d’amour de manière à ce que je me sente un peu Frédéric François parfois ; bon, je n’ai toujours pas trouvé de bar de copains à Paname, mais j’y travaille, j’ai fait des petits tests à droite à gauche, plus ou moins concluants, cela étant mon jugement est biaisé ces temps-ci par la nécessité de trouver une terrasse avant de trouver un bar autour, alors bon, je ne veux pas te donner de faux espoirs, disons que le Café épicerie à Belleville et Dédé la Frite à Grands Boulevards ont marqué de petits points mais mériteraient un deuxième avis, alors que par exemple, le Sans-souci à Pigalle est trop étouffant par ces temps de canicule et de brumisage de vieux.

Comme tu le vois, ce fut chargé, alors s’il te plaît, n’en parlons plus.