News for janvier 2012

Réhabilitons le badminton au juste rang qui est le sien

En mars dernier, j’ai signé un contrat avec mon excellent ami Cléante.

(J’utilise un pseudonyme tiré de Molière car ce brave enfant a ses pudeurs et moi j’ai pas mal de Lettres. Soyons clairs: mon excellent ami Cléante ne s’appelle pas du tout Cléante, et c’est heureux pour sa vie sentimentale. Même si on notera que dans L’Avare, Cléante est l’amant d’Angélique, et ce plusieurs siècles avant Robert Hossein.)

Adoncques (toi aussi, utilises “adoncques” pour ne pas céder à la tyrannie du mot “bref”), la scène se passait à Madrid.

J’étais insouciant, avec à la main la buée réconfortante de quelque canette de bière de Flandre, de Frise ou de Francfort. Le clair soleil printanier du Parque du Retiro caressait mon beau visage serein de justicier-milliardaire amoureux du risque, de la vie, et du génocide méthodique des bulles en plastique constitutives du papier-bulle.

J’étais bien. J’étais heureux. Je ne me méfiais pas.

Alors, sans vraiment réfléchir, j’ai signé.

Le contrat, rédigé à la va-vite sur un carnet de fortune, stipulait, quasiment en lettres de sang, l’engagement suivant:

À la rentrée de septembre, mon excellent ami Cléante et moi-même devions nous inscrire dans un club de badminton à la fin d’affiner, qui le galbe d’un mollet, qui la sculpturalité d’un pectoral.

Faire du badminton avec un très gros volant.

Pour seule alternative à la pratique du badminton, le contrat passé avec mon excellent ami Cléante prévoyait la pratique du barbecue. Et on ne va pas se mentir: pratiquer le barbecue à Paris, c’est aller au-devant de grandes déconvenues, surtout dès que les premiers frimas ont raison de la grillade d’appartement fenêtre ouverte.

Ou alors il faut disposer d’une terrasse, mais je pose la question: QUI DONC a une terrasse de nos jours à Paris, sinon les nantis, Isabelle Nanty, les Nanterrois, ainsi que tous les Nantais qui ont fait fortune dans l’export de bijoux-fantaisie vers nos colonies subsahariennes et dans l’import de main d’oeuvre peu qualifiée destinée à peupler nos champs de canne à sucre caribéens où on leur en cassait régulièrement sur le dos ? (des cannes, ainsi que du sucre).

Mais je m’égare, et pas seulement à jabite.

Le choix était donc simple: soit puer le graillon toute l’année, soit puer la sueur une fois par semaine.

LA MORT DANS L’ÂME ET LÂÂM EN CENDRILLON-2000, NOUS CHOISÎMES LE BADMINTON.

Or, le badminton, pour la plupart des gens, cela ressemble à ça:

Lords et Ladies britanniques se payant une bonne tranche de LOL dans les jardins du club échangiste.

À savoir: de délicats dandys, tous favoris aux vents dans leur complet-veston, qui, tout en conservant le monocle savamment coincé dans l’orbite oculaire, encouragent ces dames en robes corsetées à froufrous et profitent des interruptions de jeu pour évoquer les dernières nouvelles du front de Crimée.

Bien qu’arborant parfois le sourcil interloqué d’un parfait citoyen de Sa Gracieuse Majesté la reine Elizabeth II, ma virilité semblait ne pas gagner au change avec ce sport si décrié des anglophobes.

D’autant que ma gloire n’allait pas ressortir indemne de mes premiers coups de raquette.

Je jouais relativement comme un pied.

(A ma décharge, dans mon pays de montagnes neigeuses et frisquettes, les raquettes se mettent davantage aux panards qu’aux mimines.)

Pire, la première demoiselle venue m’en remontrait facilement, me faisant courir en tous sens pour m’achever d’un smash bien senti. Ce qui me galbait fort bien le mollet mais me salopait l’amour-propre, la virilité et toutes ces sortes de choses.

A-t-on déjà vu un complet-veston à monocle s’en faire remontrer par un corset à froufrou ? RIDICULE.

(Depuis, je me suis un peu amélioré, ce qui me sculpte un peu moins le pectoral mais m’épargne les blessures d’ego les plus graves, celles qui requièrent plusieurs mois de rééducation.)

En tous les cas, là n’est pas mon propos, car si je te serine depuis tout à l’heure avec mes histoires de volant, c’est que je tiens à réhabiliter officiellement le badminton, sport-bonheur, sport-passion, sport-tendresse, aux yeux de tous les rieurs qui croient pouvoir moquer impunément l’exquise subtilité de ce jeu d’esthètes fripons.

Comme l’affirme Viquipédia sans citer de source:

« Dans les faits, le badminton est l’un des sports les plus exigeants physiquement avec le squash. »

Alors, sans vouloir aucunement être vulgaire, à vous tous qui me répétez sottement que “le badminton n’est pas un sport”, POUPOUGNE.

J’ajouterais qu’il me suffit de remplacer les raquettes par des sabres lasers pour donner à un petit match un air de combat-final-pour-l’avenir-de-la-galaxie.

Qu’on me permette ici de paraphraser Obi-wan Kenobi:

« C’est élégant, maniable. Le sport noble d’une époque civilisée. »

ALORS HEIN, ALORS BON.

Du pluriel du mot “internet” sur les internets

J’ai fêté très récemment la Nowël avec ce que les démographes appellent la famille élargie (non que nous soyons tous devenus obèses: sache en revanche que je dispose d’un innombrable cousinage auvergnat, car notre avidité congénitale nous pousse à démultiplier les progénitures pour pouvoir vendre au prix fort un ou deux rejetons monstrueux à des cirques de passage ou des scientifiques peu scrupuleux).

Eh bien cette famille élargie comprend depuis un an un nouveau membre de facto plutôt que de jure, bam je te balance du latin comme ça, easy, au débotté, en la personne d’UN CHAT QUI S’APPELLE « PIXEL ».

Ce chat qui bâille s'appelle Pixel. Oui.

Ça ne s’invente pas.

Car, comme le rappelait Libé début décembre dans un numéro spécial particulièrement félin, les chats sont l’incarnation même des internets.

Ce qui me mène tranquillou, d’un pas de sénateur arpentant en charentaises le gravier craquetant du Luxembourg, à mon sujet du jour.

As-tu noté, lectorat attentif à l’air du temps dans le microcosme trendy du ouebdeupoinzéro, qu’il est désormais d’usage d’écrire et de dire « les internets » ? Au pluriel, avec article, souvent sans majuscule.

Citons par exemple l’intitulé du bloûg de Vincent Glad, avec qui, je le précise pour que tu ne cliques pas sur le lien de son site, je suis en énorme clash après que cette risible crapule a tenté de me molester, armée de ses seuls bras chétifs qu’elle engonce malingrement dans d’improbables chemises à carreaux d’aussi bon marché qu’elles sont de mauvais goût (mais enfin passons).

Alors qu’à l’origine, on écrivait ça joliment « Internet ».

Oui, « Internet », avec une majuscule pour faire sérieux, lisse, policé, autorisé, scientifique. Une majuscule austère et froide comme le design carré d’un oscilloscope des Seventies perdu dans une extension de laboratoire en Algeco embourbée sur le campus clairsemé d’une université de province.

C’était bien avant le LOL. Bien avant que le minitel mondial ne se démocratise. Bien avant que des nuées de hispsters en bottillons The Kooples se disent que c’est vachement plus classe de ne mettre aucune majuscule nulle part, même après un signe de ponctuation important, comme le suggérerait le bon goût et le désir hautement philanthropique de faciliter la lecture d’autrui (un constat fait il y a près de mille ans par des quintaux de moines replets et copistes).

SAUF QUE NON, je ne mets aucune majuscule nulle part tu vois, ma vie est tellement géniale et trépidante et spasmodique que j’ai pas une minute à perdre pour appuyer sur la touche shift. d’ailleurs je suis trop cool pour appuyer sur shift. d’ailleurs j’ai pas le temps de signer non plus, alors je mets juste mon initiale suivie d’un point tu vois (car j’ai le temps de mettre un point). et je rajoute des xxx parce que j’ai du second degré tu vois et surtout je vais régulièrement à new-york vu que j’avais genre 18 de moyenne en anglais LV2 en classe européenne, oui LV2, rappelle-toi, j’avais pris allemand première langue pour pas être dans les mêmes classes que les futurs chômeurs. allez kissous, xxx, j.

Disons-le tout net, ces gens-là méritent la mort par recopiage perpétuel des dictées de Pivot dans un goulag venteux de Laval ou de Noyon, ça leur permettra au passage d’agrémenter leur vernis de culture du mot «palindrome». Un bien joli terme qui nous permet d’apprendre que le préfixe grec “palin-” signifie “en arrière”, ce qui n’est pas étonnant vu que Sarah Palin est une sacrée rétrograde.

Sarah Palin fut parfois coiffée comme un tromblon.

Mais je m’égare, et pas seulement au gorille.

Donc, au début, on parlait d’« Internet », sans article, avec majuscule. Enfin, on n’en parlait pas, il n’y avait que votre cousin Jean-Christophe, étudiant en chimie aux lunettes d’écailles façon Pierre Mauroy, pour évoquer d’un air de conspirateur ce minitel mondial «créé par l’armée américaine», ce qui rangeait à ce titre le bouzin au même rang que les avions furtifs, le bouclier antimissile et Rambo.

Puis, pour votre mère, votre grand-mère et l’Académie française, c’est devenu « l’Internet », avec un “L” apostrophe de très mauvais goût.

Dès la fin des années 1990, un bloûgueur assez renommé à l’époque, répondant au doux nom d’ASP Explorer (toi-même tu sais), listait, en Comic Sans MS mais enfin nous lui pardonnerons car il ne savait pas ce qu’il faisait, « 10 RAISONS DE DIRE “INTERNET” AU LIEU DE “L’INTERNET” ».

On ne va pas se mentir, ce “L” apostrophe est désobligeant. Il n’y a que dans les campagnes les plus reculées, comme par exemple en Auvergne, où on met un article devant certains mots qui ne devraient pas en être gratifiés.

Ainsi, dans le Cantal, vous n’irez pas prendre un café chez Jeannine après une petite belote avec Roger et Raymond. Non, vous irez prendre un café chez LA Jeannine après une petite belote avec LE Roger et LE Raymond. Si par malheur il y a plusieurs Raymond, vous ne direz pas “un Raymond” : une particule viendra à votre secours et vous évoquerez LE Raymond de LA Michèle de Boussargues-en-Croustade.

Les esprits forts, oh il s’en trouve toujours parmi mon lectorat de caractère, objecteront qu’on ne fait pas de belote à trois, même avec le Raymond et le Roger. Je leur répondrai bien cordialement d’aller se faire voir du côté du Parthénon, que c’est un exemple qui n’a pas vocation à être parfaitement réaliste et qu’on en veut pour preuve qu’en Auvergne il est bien rare que la Jeannine vous paye le café.

Pourquoi donc cette double infamie de l’article et du pluriel dans l’expression « les internets » ?

Je pose la question. Et je vais tâcher d’émettre une hypothèse parce que j’ai pas écrit tout ce texte juste pour enfiler des perles.

Si la mode est à écrire « les internets », c’est peut-être parce que c’est délicieusement second degré d’employer le “L” apostrophe comme mémé ; et aussi parce que les médias grand public se sont approprié le terme « internet » (nom commun sans majuscule et sans article), et qu’il faut bien se distancier d’une manière ou d’une autre des vidéos youtube vieilles de plusieurs mois qui passent en prime time sur les chaînes généralistes avec un lancement du type “c’est LA vidéo qui fait le buzz en ce moment sur internet”.

Clairement, « les internets » ne correspondent pas au même monde qu’« internet ». Mettons qu’il y a au moins six mois d’écart entre les deux. C’est un peu comme quand on regarde les étoiles: leur lumière met des (milliers d’) années à nous parvenir, donc mater les étoiles dans le ciel, c’est OLD.

« Han, regarder la galaxie du Centaure à l’oeil nu c’est trop old, mec. Moi je ne mate que des photos du téléscope spatial Hubble. »

Personnellement, je me moque comme d’une guigne de publier une vidéo un brin périmée.

Regardons donc ensemble cette petite merveille portée à ma connaissance par le Docteur Garriberts. C’est à base de CATCH et de CHATONS, donc c’est forcément de qualité.

PS: Bonne année, Bon Iver et toutes ces sortes de choses.