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Réhabilitons le badminton au juste rang qui est le sien

En mars dernier, j’ai signé un contrat avec mon excellent ami Cléante.

(J’utilise un pseudonyme tiré de Molière car ce brave enfant a ses pudeurs et moi j’ai pas mal de Lettres. Soyons clairs: mon excellent ami Cléante ne s’appelle pas du tout Cléante, et c’est heureux pour sa vie sentimentale. Même si on notera que dans L’Avare, Cléante est l’amant d’Angélique, et ce plusieurs siècles avant Robert Hossein.)

Adoncques (toi aussi, utilises “adoncques” pour ne pas céder à la tyrannie du mot “bref”), la scène se passait à Madrid.

J’étais insouciant, avec à la main la buée réconfortante de quelque canette de bière de Flandre, de Frise ou de Francfort. Le clair soleil printanier du Parque du Retiro caressait mon beau visage serein de justicier-milliardaire amoureux du risque, de la vie, et du génocide méthodique des bulles en plastique constitutives du papier-bulle.

J’étais bien. J’étais heureux. Je ne me méfiais pas.

Alors, sans vraiment réfléchir, j’ai signé.

Le contrat, rédigé à la va-vite sur un carnet de fortune, stipulait, quasiment en lettres de sang, l’engagement suivant:

À la rentrée de septembre, mon excellent ami Cléante et moi-même devions nous inscrire dans un club de badminton à la fin d’affiner, qui le galbe d’un mollet, qui la sculpturalité d’un pectoral.

Faire du badminton avec un très gros volant.

Pour seule alternative à la pratique du badminton, le contrat passé avec mon excellent ami Cléante prévoyait la pratique du barbecue. Et on ne va pas se mentir: pratiquer le barbecue à Paris, c’est aller au-devant de grandes déconvenues, surtout dès que les premiers frimas ont raison de la grillade d’appartement fenêtre ouverte.

Ou alors il faut disposer d’une terrasse, mais je pose la question: QUI DONC a une terrasse de nos jours à Paris, sinon les nantis, Isabelle Nanty, les Nanterrois, ainsi que tous les Nantais qui ont fait fortune dans l’export de bijoux-fantaisie vers nos colonies subsahariennes et dans l’import de main d’oeuvre peu qualifiée destinée à peupler nos champs de canne à sucre caribéens où on leur en cassait régulièrement sur le dos ? (des cannes, ainsi que du sucre).

Mais je m’égare, et pas seulement à jabite.

Le choix était donc simple: soit puer le graillon toute l’année, soit puer la sueur une fois par semaine.

LA MORT DANS L’ÂME ET LÂÂM EN CENDRILLON-2000, NOUS CHOISÎMES LE BADMINTON.

Or, le badminton, pour la plupart des gens, cela ressemble à ça:

Lords et Ladies britanniques se payant une bonne tranche de LOL dans les jardins du club échangiste.

À savoir: de délicats dandys, tous favoris aux vents dans leur complet-veston, qui, tout en conservant le monocle savamment coincé dans l’orbite oculaire, encouragent ces dames en robes corsetées à froufrous et profitent des interruptions de jeu pour évoquer les dernières nouvelles du front de Crimée.

Bien qu’arborant parfois le sourcil interloqué d’un parfait citoyen de Sa Gracieuse Majesté la reine Elizabeth II, ma virilité semblait ne pas gagner au change avec ce sport si décrié des anglophobes.

D’autant que ma gloire n’allait pas ressortir indemne de mes premiers coups de raquette.

Je jouais relativement comme un pied.

(A ma décharge, dans mon pays de montagnes neigeuses et frisquettes, les raquettes se mettent davantage aux panards qu’aux mimines.)

Pire, la première demoiselle venue m’en remontrait facilement, me faisant courir en tous sens pour m’achever d’un smash bien senti. Ce qui me galbait fort bien le mollet mais me salopait l’amour-propre, la virilité et toutes ces sortes de choses.

A-t-on déjà vu un complet-veston à monocle s’en faire remontrer par un corset à froufrou ? RIDICULE.

(Depuis, je me suis un peu amélioré, ce qui me sculpte un peu moins le pectoral mais m’épargne les blessures d’ego les plus graves, celles qui requièrent plusieurs mois de rééducation.)

En tous les cas, là n’est pas mon propos, car si je te serine depuis tout à l’heure avec mes histoires de volant, c’est que je tiens à réhabiliter officiellement le badminton, sport-bonheur, sport-passion, sport-tendresse, aux yeux de tous les rieurs qui croient pouvoir moquer impunément l’exquise subtilité de ce jeu d’esthètes fripons.

Comme l’affirme Viquipédia sans citer de source:

« Dans les faits, le badminton est l’un des sports les plus exigeants physiquement avec le squash. »

Alors, sans vouloir aucunement être vulgaire, à vous tous qui me répétez sottement que “le badminton n’est pas un sport”, POUPOUGNE.

J’ajouterais qu’il me suffit de remplacer les raquettes par des sabres lasers pour donner à un petit match un air de combat-final-pour-l’avenir-de-la-galaxie.

Qu’on me permette ici de paraphraser Obi-wan Kenobi:

« C’est élégant, maniable. Le sport noble d’une époque civilisée. »

ALORS HEIN, ALORS BON.