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Du pluriel du mot “internet” sur les internets

J’ai fêté très récemment la Nowël avec ce que les démographes appellent la famille élargie (non que nous soyons tous devenus obèses: sache en revanche que je dispose d’un innombrable cousinage auvergnat, car notre avidité congénitale nous pousse à démultiplier les progénitures pour pouvoir vendre au prix fort un ou deux rejetons monstrueux à des cirques de passage ou des scientifiques peu scrupuleux).

Eh bien cette famille élargie comprend depuis un an un nouveau membre de facto plutôt que de jure, bam je te balance du latin comme ça, easy, au débotté, en la personne d’UN CHAT QUI S’APPELLE « PIXEL ».

Ce chat qui bâille s'appelle Pixel. Oui.

Ça ne s’invente pas.

Car, comme le rappelait Libé début décembre dans un numéro spécial particulièrement félin, les chats sont l’incarnation même des internets.

Ce qui me mène tranquillou, d’un pas de sénateur arpentant en charentaises le gravier craquetant du Luxembourg, à mon sujet du jour.

As-tu noté, lectorat attentif à l’air du temps dans le microcosme trendy du ouebdeupoinzéro, qu’il est désormais d’usage d’écrire et de dire « les internets » ? Au pluriel, avec article, souvent sans majuscule.

Citons par exemple l’intitulé du bloûg de Vincent Glad, avec qui, je le précise pour que tu ne cliques pas sur le lien de son site, je suis en énorme clash après que cette risible crapule a tenté de me molester, armée de ses seuls bras chétifs qu’elle engonce malingrement dans d’improbables chemises à carreaux d’aussi bon marché qu’elles sont de mauvais goût (mais enfin passons).

Alors qu’à l’origine, on écrivait ça joliment « Internet ».

Oui, « Internet », avec une majuscule pour faire sérieux, lisse, policé, autorisé, scientifique. Une majuscule austère et froide comme le design carré d’un oscilloscope des Seventies perdu dans une extension de laboratoire en Algeco embourbée sur le campus clairsemé d’une université de province.

C’était bien avant le LOL. Bien avant que le minitel mondial ne se démocratise. Bien avant que des nuées de hispsters en bottillons The Kooples se disent que c’est vachement plus classe de ne mettre aucune majuscule nulle part, même après un signe de ponctuation important, comme le suggérerait le bon goût et le désir hautement philanthropique de faciliter la lecture d’autrui (un constat fait il y a près de mille ans par des quintaux de moines replets et copistes).

SAUF QUE NON, je ne mets aucune majuscule nulle part tu vois, ma vie est tellement géniale et trépidante et spasmodique que j’ai pas une minute à perdre pour appuyer sur la touche shift. d’ailleurs je suis trop cool pour appuyer sur shift. d’ailleurs j’ai pas le temps de signer non plus, alors je mets juste mon initiale suivie d’un point tu vois (car j’ai le temps de mettre un point). et je rajoute des xxx parce que j’ai du second degré tu vois et surtout je vais régulièrement à new-york vu que j’avais genre 18 de moyenne en anglais LV2 en classe européenne, oui LV2, rappelle-toi, j’avais pris allemand première langue pour pas être dans les mêmes classes que les futurs chômeurs. allez kissous, xxx, j.

Disons-le tout net, ces gens-là méritent la mort par recopiage perpétuel des dictées de Pivot dans un goulag venteux de Laval ou de Noyon, ça leur permettra au passage d’agrémenter leur vernis de culture du mot «palindrome». Un bien joli terme qui nous permet d’apprendre que le préfixe grec “palin-” signifie “en arrière”, ce qui n’est pas étonnant vu que Sarah Palin est une sacrée rétrograde.

Sarah Palin fut parfois coiffée comme un tromblon.

Mais je m’égare, et pas seulement au gorille.

Donc, au début, on parlait d’« Internet », sans article, avec majuscule. Enfin, on n’en parlait pas, il n’y avait que votre cousin Jean-Christophe, étudiant en chimie aux lunettes d’écailles façon Pierre Mauroy, pour évoquer d’un air de conspirateur ce minitel mondial «créé par l’armée américaine», ce qui rangeait à ce titre le bouzin au même rang que les avions furtifs, le bouclier antimissile et Rambo.

Puis, pour votre mère, votre grand-mère et l’Académie française, c’est devenu « l’Internet », avec un “L” apostrophe de très mauvais goût.

Dès la fin des années 1990, un bloûgueur assez renommé à l’époque, répondant au doux nom d’ASP Explorer (toi-même tu sais), listait, en Comic Sans MS mais enfin nous lui pardonnerons car il ne savait pas ce qu’il faisait, « 10 RAISONS DE DIRE “INTERNET” AU LIEU DE “L’INTERNET” ».

On ne va pas se mentir, ce “L” apostrophe est désobligeant. Il n’y a que dans les campagnes les plus reculées, comme par exemple en Auvergne, où on met un article devant certains mots qui ne devraient pas en être gratifiés.

Ainsi, dans le Cantal, vous n’irez pas prendre un café chez Jeannine après une petite belote avec Roger et Raymond. Non, vous irez prendre un café chez LA Jeannine après une petite belote avec LE Roger et LE Raymond. Si par malheur il y a plusieurs Raymond, vous ne direz pas “un Raymond” : une particule viendra à votre secours et vous évoquerez LE Raymond de LA Michèle de Boussargues-en-Croustade.

Les esprits forts, oh il s’en trouve toujours parmi mon lectorat de caractère, objecteront qu’on ne fait pas de belote à trois, même avec le Raymond et le Roger. Je leur répondrai bien cordialement d’aller se faire voir du côté du Parthénon, que c’est un exemple qui n’a pas vocation à être parfaitement réaliste et qu’on en veut pour preuve qu’en Auvergne il est bien rare que la Jeannine vous paye le café.

Pourquoi donc cette double infamie de l’article et du pluriel dans l’expression « les internets » ?

Je pose la question. Et je vais tâcher d’émettre une hypothèse parce que j’ai pas écrit tout ce texte juste pour enfiler des perles.

Si la mode est à écrire « les internets », c’est peut-être parce que c’est délicieusement second degré d’employer le “L” apostrophe comme mémé ; et aussi parce que les médias grand public se sont approprié le terme « internet » (nom commun sans majuscule et sans article), et qu’il faut bien se distancier d’une manière ou d’une autre des vidéos youtube vieilles de plusieurs mois qui passent en prime time sur les chaînes généralistes avec un lancement du type “c’est LA vidéo qui fait le buzz en ce moment sur internet”.

Clairement, « les internets » ne correspondent pas au même monde qu’« internet ». Mettons qu’il y a au moins six mois d’écart entre les deux. C’est un peu comme quand on regarde les étoiles: leur lumière met des (milliers d’) années à nous parvenir, donc mater les étoiles dans le ciel, c’est OLD.

« Han, regarder la galaxie du Centaure à l’oeil nu c’est trop old, mec. Moi je ne mate que des photos du téléscope spatial Hubble. »

Personnellement, je me moque comme d’une guigne de publier une vidéo un brin périmée.

Regardons donc ensemble cette petite merveille portée à ma connaissance par le Docteur Garriberts. C’est à base de CATCH et de CHATONS, donc c’est forcément de qualité.

PS: Bonne année, Bon Iver et toutes ces sortes de choses.