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Mon bar de compaings

Je ne sais pas vraiment si j’ai trouvé, mais en tout cas c’est un bon début.

Trouvé quoi?

Tu ignorais, lectorat assidu, que je fusse en quête de quoi que ce soit, moi qui ai, j’en conviens, déjà tout?

Relis bien ce que je t’écrivais il y a déjà près d’un an.

Je cherchais un bar de copains. C’est-à-dire un «bareuh de compaings», comme disent les gros santons phocéens lorsque leur légendaire bonhomie méridionale les pousse à dégoiser, entre deux pétanques arrosées de pastis, de chaudes roucoulades ensoleillées qui sentent bon la ciboulette, le romaring et la garigoule.

(Je dis ça car je suis récemment allé à Marseille. C’est très joli. On se croirait sur la Côte d’Azur.)

J’ai donc trouvé un début de «bareuh de compaings».

Oui-da.

J’aime beaucoup l’expression oui-da, avec elle j’ai l’impression de militer pour l’amitié franco-russe. Mais là n’est pas mon propos, quoiqu’on puisse tout à fait dénicher un Russe amical dedans ledit début de bar de copains. (C’est un début de bar de copains, c’est-à-dire un début de débit de boissons compagnifère.)

Si tu ne déniches pas un Russe amical, tu peux toujours y déguster un russe blanc. Personnellement je ne le recommande pas, j’ai toujours trouvé très absurde cette manière de remplacer le Nesquik par de la vodka.

Et puis la seule personne qui me vienne à l’esprit quand on parle de russe blanc, c’est l’anti-héros de The Big Lebowski, a.k.a. Jeff Bridges, qui en sirotait tranquillou en robe de chambre, le bouc constellé de lait façon réclame pour des sensations pures à la montagne avec des simili éjac-faciales sur la bouche des surfeuses des neiges tu vois.

Cet endroit se nomme le Cinquante.

Le cinquante un bar qu'il est joli.

Sis, comme son nom l’indique, au 50 rue de Lancry en la ville de Paris. Se sont pas foulés oué je te l’accorde. Le Cinquante, comme dans «Nous partîmes cinquante et par un prompt renfort». Ou bien dans «Voilà, M’ame Grabiau, du mou pour votre chat. Ah, y’a cinquante grammes de trop, je vous l’laisse ?»

Ce début de bar de copains (DBC) est en fait le QG d’une de mes très bonnes amies (en fait maintenant il se trouve que j’y vais plus souvent qu’elle, alors bon). Je ne touche aucune rétrocommission sur son chiffre d’affaires, et d’ailleurs je t’incite à ne pas y aller parce que ça m’embêterait de surpeupler l’endroit, j’aime pouvoir y trouver de la place à toute heure tu comprends.

C’est un établissement sis à République où on refait le monde en sifflant un mojito à la noix de coriandre. Oh, ça ne paie pas de mine. Il faut dire qu’à l’entrée, c’est tables formica, piliers de comptoir et brèves de zinc. On y boit un p’tit noir et une mousse au p’tit matin comme on a toujours fait. Par bonheur, il y a deux arrières-salles successives avec piano et ambiance rustique-pierre de taille, qui fleurent bon les tablées d’amis, les planches de charcutaille et le « On reprend un verre, t’façons vu l’heure c’est mort pour le dernier métro ». Petit bémol, il n’y a pas de terrasse, mais quand on y va en nocturne c’est pas vraiment indispensable, tu l’admettras.

Surtout (surtout !), le plus fou dans ce bar, c’est qu’on y fait toujours des rencontres incroyables.

Tiens, par exemple, l’autre jour, je discutais avec un ami plus francilien que moi, qui vient d’ailleurs de lancer un blog consacré à la Gouaille, oui, la Gouaille, cet art très français, je t’incite à aller y faire un tour, et je lui disais au détour d’une phrase: « Au Cinquante, on fait toujours des rencontres incroyables. »

C’est bien ce que je disais.

Petit aperçu de la faune avec laquelle j’ai eu l’heur de frayer en ces lieux: un petit bonhomme baraqué avec un tableau de Kandinsky tatoué sur le dos ; un gay roux tout de noir vêtu sauf les baskets, qu’il avait roses et « achetées à New-York » ; un black rigolard à bérêt qui s’appelle Fritz ; un genre de sosie d’Yvon Le Bolloc’h tout maig’ dans une grande chemise blanche très ample et qui se dit comédien ; un mec qu’on a rebaptisé « Bimbin Souché » pour des raisons qu’il serait fastidieux de t’expliquer ici, et qui a fait d’un ami et de moi-même ses conseillers ès divorce ; une jeune femme qui fumait la pipe tranquillou (merci de n’y voir aucune connotation sexuelle, lectorat dépravé) ; un vieux maghrébin qui baragouinait franco-bledard et riait de toutes ses dents manquantes ; une ex-danseuse quinquagénaire, répondant au doux nom d’Hélène, et qui entreprend parfois dans son manteau de fausse fourrure des chorégraphies de haute volée entre les deux colonnes qui encadrent la porte d’entrée.

Parfois, quand je demande une Suze-Tonic au bar (ne me juge pas, c’est une régalade), on me répond qu’Hélène a bu toute la Suze.

Ah çà, on y fait toujours des rencontres incroyables.

Il faut dire que le dimanche soir, c’est soirée chants, ça aide pour l’incroyabilité des rencontres. Alors il y a un peu de tout, de l’étudiant à l’habitué, et pis ça entonne des standarts à tue-tête avec le guitariste Marcello qui joue les chansons à la demande. C’est assez peu parisien cette chose-là (parole de provincial).

Détail qui tue: les murs des toilettes sont recouverts d’une peinture sombre uniforme. Il y a des craies à disposition et on peut y gribouiller à loisir, jusqu’à ce que, périodiquement, toutes les inscriptions soient effacées à l’éponge et l’espace laissé vide pour de nouveaux graffitis post-pissou. C’est un peu un cabinet de curiosités façon tableau noir. J’apprécie particulièrement, tu le devines.

J’ai scellé un petit défi avec moi-même qui me pousse, chaque fois que je m’isole en ce joli lieu, à inscrire au mur la même et sempiternelle phrase, comme un gimmick (la raison ici):

Quel que soit le montant que tu me demanderas, Rémy, toujours, je dis bien toujours, Benoît y pourvoira.

Voilà, si tu te rends au Cinquante et que tu tombes sur cette phrase aux chiottes, dis-toi que c’est une trace toute fraîche de mon passage en ce point d’eau. Et que vu la profondeur je ne vais pas tarder à mettre bas.

Salmigondis

Bonsoir, bonsoir à toi, affable lectorat,

Opération vérité aujourd’hui sur Circonflexions, puisque je m’en vas, l’épithète guilleret et le point-virgule sautillant, t’énumérer toute une série d’anecdotes (complètement) authentiques, (notoirement) truculentes et (potentiellement) divertissantes qui sont censées adoucir en toi le légitime courroux causé par mon silence de ces dernières semaines en justifiant à tes yeux scrutateurs mon absence façon « dispense d’EPS en classe de quatrième B », encore que, ma première phrase comportant déjà trois adverbes et plus d’une centaine de mots, ça peut s’avérer pas mal indigeste aussi, prépare-toi une petite tisane pour faire couler tout ça, genre fruits des bois, c’est bon ça, c’est ce que les Italiens, malgré tous leurs défauts, nomment joliment « Frutti di Bosco » alors que bon, nous autres marins faut pas nous prendre pour des trompettes, le bosco c’est pas la forêt mais le maître d’équipage (je plaisante en fait je ne suis pas marin, je ne suis pas capitaine, quoique POR TI SERÉ POR TI SERÉ.)

Ce billet s’intitule “Salmigondis” parce que le dernier du genre s’appelait “Miscellanées” et qu’au prochain écherra sans doute le titre “Olla-Podrida”. Je fais dans le cohérent vois-tu.

Jouons-la chronologique, si tu veux bien.

MAI 2010:

Le mois de mai fut une vaste féérie de ce jour-ci à ce jour-là ; entre les deux, on a fêté l’anniversaire de ma coloc et pour l’occasion je portais un brumisateur en bandoulière (immense succès d’estime) ; un anniversaire d’ailleurs repoussé parce que le jour initialement prévu madite coloc avait une grippe et moi une bronchite, et une telle simultanéité dans les pathologies n’eût pas manqué de semer le doute quant au caractère totalement dépourvu d’ambigüité de notre cohabitation quotidienne si, par bonheur, nous n’avions pas eu deux maladies différentes ; dans cet anniversaire on n’a pas atteint le consensus des analystes en terme de canettes/bouteilles descendues en une soirée, notamment en raison de la présence d’un invité déguisé en homme invisible via combinaison intégrale lycra qui l’empêchait de boire totalement à son aise ; vu qu’on le reconnaît pas du tout je ne résiste pas à l’envie de te lâcher une pix, eh ouais, je suis comme ça:

déguisement homme invisible

Tu admettras que ce déguisement est officiellement le meilleur déguisement du monde du mois de mai 2010, surtout le chapeau ; peu après, j’ai appris que l’absinthe pouvait parfois pousser à des sommets de témérité confinant au grandiose sur fond de traversée de Paris un dimanche à six heures du matin pour aller apporter des croissants à autrui (je te raconterai quand y’aura prescription) ; une absinthe venue d’Espagne, qu’en gens ignorants comme nous l’étions, en Apollinaires de pacotille, nous dégustions comme des sagouins, c’est-à-dire pure, sans eau ni sucre, je me déteste rien qu’à l’évoquer, mais bon sur le moment ça réchauffait et pis on faisait la grimace genre c’est hyper bon alors qu’en fait ça arrache genre dix fois plus qu’une Tête brûlée citron à la boulangerie où on allait à la sortie du collège ; entre-temps j’ai ri avec une fille qui a de l’humour ; puis je suis allé jouer les hôtes verbeux façon Edouard Baer lors d’une remise de prix à Bordeaux (équipé d’une cravate noire, car la cravate noire, c’est le respect du public) ; et sinon à la fin du mois nous allâmes au festival Primavera Sound de Barcelone et c’était bien la meilleure chose qui pouvait m’arriver au monde tellement il faisait beau, tellement la musique était coolos (mes petits préférés: Pavement et The Charlatans), tellement la bière était gratuite dans la zone VIP que mon statut de +1 m’avait permis de squatter bien illégitimement (MERCI COLOC) ; en outre la ville est jolie, je me suis baladé un peu tout seul, j’ai déambulé sans but, j’ai observé en rêvassant, suis monté au Parc Güell, bref j’ai jaugé les chances que cette ville aurait de me plaire, et par bonheur elle est à moitié en pente et les gens parlent castillan alors j’ai succombé ; d’autant que, le samedi où j’estions à Barcelone, en pleine terre catalane, l’ASM Clermont-Auvergne, club de louseurs patentés que, tant par nostalgie que parce qu’il fait partie intégrante de la geste familiale, j’aime très fort dans mon petit coeur, eh bien l’ASM Clermont-Auvergne a fessé du Catalan perpignanais pour toucher enfin le bout de bois en finale du Top 14, et dire que j’avais boycotté ce match par superstition après trois défaites en trois ans vues à la télé ; autant dire que sitôt prévenus du résultat, ma coloc et moi étions un peu incrédules devant la levée de cette malédiction, on a cru à un fake au début, puis on s’est enhardis à hurler « On est les champions, on est les champions » sur le site du festival, on avait pas l’habitude tu comprends, d’ailleurs un ami anglais nous regardait faire en levant un sourcil interloqué so British ; mieux, je dirais même que son sourcil était circonfléchi.

JUIN 2010:

Le mois de juin fut une presque tout aussi vaste féérie, puisqu’il commença en disputant un match de futbol entre bloûgueurs sur la pelouse du Parc de les Princes, au titre du lancement par Orange de 2424actu Foot, un site d’actualité qui analyse un peu ce qui se dit sur Twitter à propos de la Copa del Mundo, et même que mon équipe (les bleus) on a gagné 4-3 ce qui me permet de prétendre À TOUT JAMAIS que « Je suis invaincu au Parc des Princes », allez, re-pix, j’aime crâner à peu de frais:

Gambader sur la pelouse du Parc des Princes

C’était gentil et y’avait d’autres gens du blog de foot dont je t’ai parlé, vas-y vas-y clique voir ; puis juin déroula son manteau de gens, de biture et de nuit, j’en ai bien profité je crois, je suis allé dedans le Périgord (1er barbecue de l’année), puis dedans les frimas du Cantal (1er hiver de l’été) ; j’ai beaucoup écouté Bensé et Gaëtan Roussel, notamment après avoir rencontré tour à tour le tour-manager de Bensé et le batteur de Gaëtan Roussel (namedropping éhonté façon “Paris est un village”) ; mes chevilles ont pas mal enflé, non pas à cause de la chaleur, mais parce que j’ai reçu mon premier mail de toi, joli lectorat (en l’occurrence d’une lectrice que je salue bien bas là-bas dedans son Allemagne lointaine), ça m’a fait du chaud dans le ventre, je ne me suis plus senti de joie, ah Dieu, n’hésitez pas, envoyez-moi donc comme ça des bouffées d’amour de manière à ce que je me sente un peu Frédéric François parfois ; bon, je n’ai toujours pas trouvé de bar de copains à Paname, mais j’y travaille, j’ai fait des petits tests à droite à gauche, plus ou moins concluants, cela étant mon jugement est biaisé ces temps-ci par la nécessité de trouver une terrasse avant de trouver un bar autour, alors bon, je ne veux pas te donner de faux espoirs, disons que le Café épicerie à Belleville et Dédé la Frite à Grands Boulevards ont marqué de petits points mais mériteraient un deuxième avis, alors que par exemple, le Sans-souci à Pigalle est trop étouffant par ces temps de canicule et de brumisage de vieux.

Comme tu le vois, ce fut chargé, alors s’il te plaît, n’en parlons plus.

Au café des jours heureux

Ce week-end, sur une toquade, je suis descendu à Bordeaux.

C’était notoirement sympatoche.

A Bordeaux, du côté de la place du Parlement, il y a ce beau bar qui s’intitule « Les Lutins ». Même que ce site (à qui j’ai emprunté sans vergogne la petite photo ci-dessous) en dit vachement de bien.

Et même que des fois, y’a des triporteurs rouges qui viennent se garer devant.

Tribute to Darry Cowl.

Pourquoi c’est-y si bien que ça, d’aller aux Lutins, demanderas-tu, puisque tu es un lectorat curieux de tout.

(Déjà, je te reprends, on ne dit pas: « Je vais aux Lutins » ; mais « Je vais CHEZ les Lutins ». Nuance qui n’est pas que stylistique, ainsi que nous l’allons voir.)

Parce que, tout simplement, c’est un bar de copains.

Parce que, pour le moment, je n’ai pas trouvé son pendant parisien.

Parce que, par conséquent, j’erre de café oberkampfien en bar montmartresque sans avoir vraiment de QG panaméen.

*********************** Intermède politique ***********************

Par panaméen, j’entends “de Paname”.

J’ai mes raisons.

Quant au Panama, le jour où ils arrêteront de filer des pavillons de complaisance aux armateurs et des chapeaux mous à Lou Bega, j’envisagerai peut-être de leur rétrocéder leur adjectif (FRONT DE LIBÉRATION DE PANAMA – CANAL HISTORIQUE).

******************* Fin de l’intermède politique *******************

Petit portrait-robot du bar de copains:

  • C’est un bar où le jeune patron gentil aime à rire, aime à boire, aime à chanter commeuh nous. Et paye parfois sa tournée.
  • C’est un bar où il y a toujours de la place où s’asseoir, et où les bougres branchés à mèches et slim manquent de défaillir tellement on peut y rentrer facilement.
  • C’est un bar où, le soir venant, on est à peu près sûr de trouver une connaissance, sans même avoir recours à la pénible méthode de la synchronisation des agendas. Comment ils faisaient avant les portables, les jeunes ? Bon ok, ils avaient des Tam-Tam ou des Tatoos. Mais avant ça ? Bah ils avaient un QG, et ils savaient pouvoir y trouver les copains à toute heure pour s’en jeter une petite.
  • C’est un bar où tour à tour on peut regarder un match de foot, faire une partie d’échecs, organiser un concert, fêter un anniversaire, lire le journal, prendre un café, refaire le monde, rire, pleurer, aimer, vivre en somme.

Conditions que ledit bar « Les Lutins » remplit au surplus.

On y déguste, au passage, des cocktails très goûtus (je vous jure que je ne touche aucune rétrocommission sur le chiffre d’affaires de cet établissement de nuit).

D'appétissants cocktails.

Pour résumer, je cherche exactement le même type de bar ; mais géographiquement localisé dans l’Est parisien (comme Guy Georges), parce que l’aller-retour Paris-Bordeaux est à l’image de la botte de poireau, à savoir hors de prix.

(Ma bonne dame.)

J’ai certes deux-trois bonnes adresses (le Tagada Bar à Abbesses ; le Baron Samedi à Goncourt ; Le Café Chéri(e) à Belleville ; Mon chien stupide à Gambetta…) ; mais pas de QG bien établi. Certains de mes potes jugent illusoire de vouloir en trouver un, alléguant qu’on habite tous trop loin les uns des autres pour avoir un lieu de rencontre qui satisfasse tout le monde.

Tas de fatalistes.

Vu la faune nocturne de la capitale, ça existe forcément, un bar de copains à Paris.

« Vous avez des bars ? Vous avez des copains ? Vous prenez un bar vous mettez des copains dedans ça fait un bar à copains. »

Ce que des mecs en toge avaient bien résumé avec le proverbe: Ubi bene, ibi patria.

Comme quoi on peut s’enrouler dans un drap et pas raconter que des conneries.

Raël, un Auvergnat qui a réussi.