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Affaire Torun: l’enquête piétine

Cher lectorat féru des faits divers dégoulinants que Christophe Hondelatte, filmé dans la pénombre devant un panneau punaisé de coupures de presse, raconte de sa voix basse avec la gourmandise d’un oiseau charognard qui déchiquète du globe oculaire ;

Je le devine, tu es friand d’affaires.

(Ces jours-ci, il est dans l’air du temps de parler d’«affaires». Je dirais même que c’est de «rigueur», tiens.)

Au sein de la coloc, on aime bien les petits dimanche soirs devant Faites entrer l’accusé, c’est toujours beaucoup d’allégresse. Surtout quand Cricri Hondelatte, la voix astucieusement modulée pour préserver le suspense, sort son gimmick: «L’enquête piétine… QUAND SOUDAIN»

«Si le tueur est arrêté, promis, j'enfile mon blouson en cuir»

Là, on trépigne et on boit du petit lait (mais pas les deux en même temps, c’est salissant).

Lectorat, si tu aimes les «affaires», tu dois te ressouvenir de ce micmac scandinave qui me déconcerta jadis, alors que j’étais jeune, fou, insouciant et pas encore barbudetroisjours, car 2009 restera à jamais l’an I de ma friche visagale, ah et à ce propos, il faudra que je te cause du 20 août prochain, décrété officiellement journée de la moustache, ça a trait à Mathieu Amalric, mais on a le temps d’en reparler, cesse de digresser veux-tu.

Donc il est question ici de Torun, cette petite princesse nordique qui anima une de mes matinées de juin 2009 (on notera que sitôt après, je cessai de me raser à blanc, et une telle concordance dans les dates ne manquera pas ne nous faire conclure à un profond traumatisme enfoui, d’autant que je ne crois pas avoir remangé des biscottes Wasa depuis).

RÉSUMÉ DES ÉPISODES PRÉCÉDENTS SI TU ES UNE GROSSE FEIGNASSE: Torun, rencontre suédoise d’un soir, décline une invitation à aller boire un verre, puis, trois mois après, m’entreprend de nuit sur le chat facebook, me tient la jambe trois bonnes heures et me convainc de me rendre à un petit rendez-vous le lendemain, auquel elle se soustrait avec la grâce du serpent, ou bien auquel elle ne se rend pas par quiproquo dans les numéros de téléphone, quoi qu’il en soit l’anecdote est rigolote.

Je n’aurais pas justifié mes copieux appointements au sein de la presse, la grande presse, si je n’avais pas profité du temps qui a coulé sous les ponts, ou alors était-ce de l’eau qui est passée par ici et qui repassera par là, peu importe, pour connaître un peu les dessous, tenants et aboutissants de cet événement si fondateur, à l’évidence, pour ma pilosité. D’autant que la protagoniste est rentrée en Suède depuis et qu’il n’y a donc plus guère d’enjeu.

Depuis un an, l’enquête piétinait (je n’m'en souciais guère, je n’m'en souciais guè-è-reuh).

QUAND SOUDAIN.

Rentrant nuitamment en mes logis, le cornet pas mal irrigué, je vois Torun connectée sur le chat facebook. Ca m’était déjà arrivé, mais je n’avais pas poussé le vice de la curiosité jusqu’à sortir de la réserve toute britannique que je conserve à la scène comme à la ville.

Oh et puis zut, au diable les convenances, j’aime bien savoir la fin des histoires moi.

-Hey Torun, what a delight, can I ask you a question ?
-Sure
-I’d just like to know, for curiosity, why you did not show up on that day ?

M’enquis-je.

-Which day? you were the one not showing up!

Ah. Heu, sauf que les souvenirs restaient assez précis dans ma tête, et qu’elle n’était pas là du tout ce jour-là. Ce que je lui notifie, mais la belle maintient sa version contre la mienne.

Et elle me ressort au passage le message que j’avais envoyé le surlendemain, déjà à l’époque pour enquêter et la faire sortir du bois: “désolé de ne pas t’avoir rappelé avant-hier, j’étais très occupé tout ça tout ça, fais-moi signe si tu passes par Paris bisous.”

-You’re the dropout in this rendez-vous i planned

Ajouta-t-elle ingénument avant de se déconnecter. Erf, nous v’là pas plus avancés qu’avant.

L’enquête, ne nous le cachons pas, est désormais au point mort.

À l’instar du sexe du chevalier d’Eon, de l’assassinat de Kennedy et du secret divinatoire de Paul le Poulpe, gageons que l’Affaire Torun sera désormais rangée au rang des Grandes Énigmes de l’Histoire de l’Humanité, et je mets des majuscules partout pour faire solennel.

D’ailleurs, comme dirait Christophe H.: «Torun n’a pas été condamnée, le délai de prescription est révolu, elle est donc officiellement considérée INNOCENTE.»

Tadam, tadam, enfilage de blouson en cuir, éteindage de lumière. La semaine prochaine, je vous parlerai de Michel Fourniret, vous inquiétez pas vous verrez des poils.

Une amourette suédoise

« Hur mår du », comme on dit en Suède.

Lectorat indiscret, je sais que tu aimes les belles histoires d’amour.

Mais là, ce que je m’apprête à te conter, c’est une historiette inachevée, bancale et sans autre intérêt qu’anecdotique. Par bonheur, il ne s’est jamais agi de sentiments dans cette affaire ; et par bonheur, il y a prescription.

Cette histoire, c’est L’HISTOIRE DE TORUN.
(sous-titre: une romance Krisprolls à l’ère du 2.0)

Salut on a carrément pompé le drapeau de Toulon.

(J’écris ça au présent de narration, hein, mais tout s’est passé en 2009. Quelle étrange année.)

C’est un soir de débauche comme Paris sait les abriter.

Je vais, avec quelques amis espagnols, promener ma jeunesse dans certain établissement de nuit.

Sur le coup de minuit, on décide d’en changer, et on se retrouve donc sur les grands boulevards pour rejoindre un autre bel endroit.

Chemin faisant, nous tombons sur un groupe de six-sept Suédois en goguette qui nous alpaguent en disant: “Nous allons à telle boîte, on est perdus, aidez-nous”.

Ce que nous faisons de bonne grâce, car nous allons nous-même audit lieu.

Chemin faisant, je discute avec Torun, l’une des filles les plus jolies qu’il m’ait été donné de rencontrer. Nous parlons fort (en anglais) et rions de même, qui en pouffant, qui en s’esclaffant.

Sitôt arrivés à la boîte, on rentre, puis on se fond dans la foule, chacun de son côté, et on se perd de vue.

La soirée passe.

Arrive l’heure de rentrer.

Dans l’entrée de la boîte, quelle n’est pas ma surprise de retrouver la piquante Torun posée à une table avec ses amis. La conversation se réengage, et, en fin stratège, je lui propose mon numéro de téléphone (FIN STRATÈGE JE VOUS DIS). Qu’elle accepte, en me disant néanmoins: “j’ai un numéro français, mais comme je suis en Erasmus pour six mois je ne m’en sers jamais, ajoute-moi plutôt sur Facebook”.

Jusqu’ici, rien de bien foufou, convenons-en.

La suite l’est bien plus.

Deux-trois jours après cette folle soirée placée sous le signe de la biscotte Krisprolls et de l’étagère Ikea, j’ajoute la demoiselle sur Facebook. C’est bien elle, joie, mais y’a marqué “In a relationship with Gustav Forsberg”. Ou “Bjorn Dahlund”, tout cela est tellement laid.

Bref, Chouchou est resté au pays à attendre que sa belle revienne d’Erasmus.

Soyons honnête, le cas de conscience ne fut pas bien long: j’envoyais quand même un petit message facétieux, que je concluais par une invite à aller prendre un verre, parce que bon, quitte à être à l’étranger, autant s’encanailler (et autant s’encanailler avec moi). Tant pis pour Bjorn.

Pas de réponse de Torun.

D’autant moins mortifié que la belle possède déjà un Jules (l’ego en conclut très logiquement qu’emprisonnée dans sa relation à distance, Torun n’a pas osé connaître l’ivresse des sens à la française, et l’ego écarte d’autres possibilités moins flatteuses), j’oublie le camouflet et rebondis avec l’agilité qu’on me connaît.

Un mois passe.

Puis deux.

Puis trois.

Autant vous dire que des biscottes Krisprolls ça fait très longtemps que je suis revenu aux Cracottes. J’ai même carrément zappé la princesse scandinave.

Quand soudain.

(Rupture dans l’intensité dramatique).

Un soir de juin dernier.

Je rentre de le travail sur le coup d’une heure du matin ; je me connecte sur l’internet histoire de louser un peu avant de dormir. Et là, STUPEUR.

Qui qui vient me parler sur le chat facebook ?

TORUN.

C’est qui Torun, déjà ?

Ah oui, la Suédoise de la boîte là.

Torun:
i am terribly sorry I didn’t dare to write you back

Bordel mais qu’est-ce tu viens me parler à une heure du matin un dimanche soir trois mois après, bougresse ? (pensé-je en mon for intérieur.)

S’ensuit une discussion surréaliste, où on reparle de tout et rien.

Et on rit à foison, encore une fois.

Sentant le coup fourré, ou le canular, j’appelle ma coloc à la rescousse, et nous tentons de démasquer la personne qui est derrière tout ça, en lui posant des questions auxquelles Torun est la seule à pouvoir répondre (liée à la discussion que nous eûmes naguère de visu in vivo et verbatim).

Bordel, elle répond, et avec justesse en plus.

(Donc c’est bien elle, il n’y a aucun doute là dessus.)

D’ailleurs son type d’humour très particulier mérite le détour, lectorat amusé:

Torun:
china has a new hitler, i’m sure about that one
Moi:
oh probabilities are on your side
Moi:
there must be a moustached chinese boy who has problems to bow the arm

L’intéressée, en sus, n’y va pas par quatre chemins: 

Torun:
that’s it
you’re working tomorrow?
Moi:
kind of, why ?
Torun:
we shoud meet for like 10 minutes!

Car j’avais un train pour Biarritz à 14h, et elle un avion pour la Suède à 17h. A savoir que là, c’était son dernier soir à Paris (TROP CHELOU DE LE PASSER SUR FACEBOOK), qu’elle avait un exam le lendemain matin, et qu’elle rentrait direct.

Peut-être s’est-elle dit qu’elle n’avait “jamais vraiment vécu”, que c’était “ce soir ou jamais” sous peine de “rater sa vie”, de ne pas “réaliser son rêve” et de ne “mériter qu’opprobre et dédain”.

En tout cas, elle me donne rendez-vous.

Je me perds en considérations: “Non mais c’est compliqué, et pis t’aurais dû m’appeler avant là, tu fais de la merde en me contactant le dernier soir ; bon ok ok on va voir alors”

(En résumé hein).

Elle me file son numéro de portable en me disant de lui envoyer un texto si finalement je me décide.

Torun:
let’s just say if you have any kind of intrest of meeting me for some minutes tomorrow , you’ll text me where and when i should be at what place. And then we’ll meet ok?

(On notera qu’on a bien papoté trois heures.)

DU COUP, ÉNORME YALTA AU SEIN DE LA COLOC.

-”Tu crois que je devrais y aller ? ça cache quoi ?”
-”Ouais franchement tente, ça coûte rien”
-”Bon ok”
(Je résume hein.)

J’envoie un texto, je lui donne rendez-vous à 11h à côté d’une petite adresse que je connais bien et où j’ai mes habitudes.

Et pis dodo quoi.

Le lendemain matin, à l’heure dite, personne.

Elle ne vient pas.

UN LAPIN SUÉDOIS.

J’appelle le numéro, je tombe sur une dame-qui-ne-capte-rien, donc visiblement ce n’était pas le bon.

(Fort heureusement, mon texto de la nuit était d’une rare décence.)

On n’a jamais vraiment su ce qui s’était passé ce matin-là.

Le mystère reste entier.

Plusieurs hypothèses coexistent:

  • Elle était pétée comme un coing et se sentait seule ce soir là avant de rentrer en Suède, et donc s’est mise à parler avec le petit Frenchie de service.
  • Elle se souvenait mal de son numéro de portable, et donc n’a pas eu mon texto, et donc n’est pas venue.
  • Bjorn 1, Faire-n’imp-avant-de-rentrer-en-Suède 0.
  • En tout cas, ça fait une bien belle anecdote à narrer.

    Et ça me donne une raison extrêmement esthétique de boycotter Ikea.

    (J’ai failli titrer: “une allumeuse suédoise”, pour le jeu de mots, mais je me suis abstenu au nom de la présomption d’innocence. J’espère recevoir les félicitations du Conseil constitutionnel.)

    Posté le: mars 17th, 2010
    Catégorie: Pêle-mêle
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