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Le rabbin Safari, le pasteur Chrome et l’imam Firefox

Adopter un navigateur internet, c’est comme professer une religion.

Six jolis navigateurs, dont un décédé.

Votre choix n’est pas anodin, tas de païens 2.0 ; il détermine in fine (placer un peu de latin en italique ne nuit jamais) votre Salut sur internet.

Car oui, votre Salut.

Bien sûr, comme pour toutes les religions, vous êtes prédéterminés par (l’ordinateur de) vos parents. Mais après, sitôt que vous avez l’âge de choisir à quel saint vous vouer et à quelle chapelle émarger, y’a plus d’excuse, faut assumer là maintenant.

(En fait je ne sais pas si on peut vraiment “émarger” à la chapelle. Parfois on s’y signe, c’est un début.)

De rapides statistiques de fréquentation de ce bloûg sur les sept derniers jours, merci de vos visites tas de fripons, nous indiquent que:

  • 51,5% de toi, sémillant lectorat, utilise Firefox.
  • 30,3% de toi, pétulant lectorat, se sert d’Internet Explorer (non, ce n’est pas sale).
  • 12,1% de toi, bouillonnant lectorat, est adepte de Safari.
  • Un peu plus de 3% de toi, frétillant lectorat, a adopté Google Chrome.
  • Et une proportion sensiblement égale de toi, espiègle lectorat, fricote avec un “Mozilla Compatible Agent”, type Flock.
  • Je n’ai hélas pas la ventilation de ces données en catégories socio-professionnelles, âges et couleurs de sous-vêtements. La seule chose que je peux te dire, c’est qu’il y a eu parmi toi un coquinou qui est arrivé sur ce bloûg en recherchant les mots-clés “Priscilla nue”, et qui a dû être dépité velu.

    Passons, si tu le veux bien.

    (Fringant lectorat.)

    À notre Théologie Simplifiée des Navigateurs Internet (TSNI), puisque c’est pour cela que nous sommes réunis ici, mon très cher frère.

    Je précise à toutes fins utiles que l’idée de ce billet m’est apparue en rêve sous la forme d’un ange étincelant, qui tenait dans sa main droite un livre d’Umberto Eco et dans sa main gauche une tablette iPad affichant cette subtile métaphore.

    Attention amis puristes: ce qui suit est hautement schématique et par conséquent sujet à mauvaise foi (et quand je dis mauvaise foi je pèse mes mots).

    Au commencement était Mosaic, patriarche façon Abraham qui a popularisé le monothéïsme/worldwideweb.

    De lui descendent la plupart des navigateurs, comme le montre ce bel arbre généalogique – à ouvrir sous Opera, sous les autres vous aurez du mal à zoomer sur cette image en .svg.

    Netscape

  • Séduits par cette belle idée (un seul Dieu universel au lieu d’une foultitude de divinités spécialisées/un seul réseau mondial au lieu d’une foultitude de réseaux locaux), les fidèles commencèrent à se convertir. Et c’est ainsi que naquit Netscape, le navigateur des premiers internautes.

    Portant la Révélation parmi un petit cercle d’initié, ce peuple élu, que je qualifierai de complètement judaïque, vivait dans l’attente du Messie, à savoir l’internet mondial de masse.

    Mais après une période de monopole religieux, ils furent débordés par l’essor d’un monothéïsme nouveau et à visage souriant.

  • Internet Explorer

  • Car naquit en 1995 (an 0 de notre cyber-ère), toujours de la souche Mosaic, Internet Explorer (IE). Qui lui, est notoirement chrétien, voire catholique. Et s’opposa longtemps à Netscape, présenté comme un navigateur déicide, avant de lui damer le pion.

    Construit à but missionnaire, IE devait conquérir le plus de fidèle possibles et présentait un internet imagé, coloré, cathédrale emplie de grandes cérémonies pleine d’encens et de cantiques. Le www devenait user friendly et cessait d’être un truc de geek. Alors on vit fleurir maintes “pages persos” criardes, façon “le site internet de la famille Dupont” où les photos de labrador à langue alanguie trônaient en bonne place.

    Le dogme était figé, décidé d’en haut par un pontifex maximus (Bill Ier) depuis son palais de Redmond et périodiquement retouché à la marge. Les fidèles ne pouvaient que suivre et étaient sommés d’avoir une confiance aveugle dans leurs intercesseurs avec le divin.

    Son logo n’est d’ailleurs pas sans évoquer la première lettre du mot Eglise et sa couleur, le bleu, est traditionnellement associé à la Vierge Marie.

    Notons que, résolument opposé au préservatif (verrous de sécurité), IE favorisait le développement des infections virales. Mais l’Eglise Crosoftique s’en moquait, elle dominait le marché et gagnait de nouveaux croyants en convertissant du barbare (novice de l’informatique) à tour de bras.

    Avec 96% des croyants dans son giron, l’Eglise Crosoftique ne vit pas venir le schisme et cessa toute innovation sur IE entre 2001 et 2006 – soit plusieurs siècles à l’échelle du oueb.

  • Firefox

  • Firefox, variante musulmane, en profita pour émerger. A l’inverse d’IE, Firefox ne présentait pas de théologie venue d’en haut: les textes étaient là, certes (transmis au prophète Mozilla), mais chaque communauté était libre d’en interpréter les sourates à sa convenance.

    Cette religion était syncrétique: le moteur de Netscape (Gecko), des idées prises à IE, et rajoutait son lot d’améliorations (onglets, modules) qui favorisèrent son essor, au début parmi des peuples nomades de l’internet, puis chez le grand public.

    Les imams multiplièrent les exégèses, créant plusieurs écoles de pensée (Flock, SeaMonkey, Camino, IceWeasel…), et ce fourmillement favorisa l’esprit missionnaire et conquérant de cette religion.

    Là encore le logo est éclairant: c’est le seul navigateur où le globe terrestre soit représenté. Le globe, et donc les cinq continents. Qui rappellent les cinq piliers de l’islam, mais oui, et ce n’est pas du tout du tout tiré par les cheveux hein.

    Le choc était inévitable, et la Croisade fut mise sur pied pour défendre les lieux saints. Cet affrontement est d’ailleurs toujours en cours, puisque Firefox taille régulièrement des croupières à IE.

  • Safari

  • Quid du peuple élu des premiers temps du oueb? Il survécut sous forme de diaspora, avant de peut-être de se reformer et se reconstituer dans son opposition à IE, avec Safari et sa variante kabbalistique, Konqueror.

    Safari, dont le nom rappelle à la fois “séfarade” et “séphiroth” , a longtemps été réservé aux seuls utilisateurs de Mac. Eux seuls avaient droit au salut dans la foi safarique, faite de l’immuabilité des traditions Apple (design épuré, fidélisation de la communauté des croyants) et de différenciation (souhaitée ou subie) avec le reste de l’humanité.

    Même constat pour le logo: une étoile s’y dissimule, même si les esprits chagrins, oh il s’en trouve toujours, voudront n’y voir qu’une bête rose des vents.

    Quant à Konqueror, c’est une version développée pour l’environnement KDE de Linux, il rappelle la Kabbale (notons la récurrence du K) en ce que les lignes de codes, bon, c’est pas à la portée du premier venu (même si justement, KDE est un environnement bureau plus “user friendly” que bien d’autres distributions).

    Mettons que Konqueror, c’est la Kabbale version Madonna quoi.

  • Chrome

  • Dans cette cosmologie déchirée aux quatre vents, Google a tenté le coup de la Réforme avec Chrome. Et vas-y que je te brûle ma bulle papale, et vas-y que je réinterprète à ma sauce le www, et vas-y que je lutine un peu ma bourgeoise (mais la lumière éteinte).

    Car avec l’Eglise Chromique Réformée, on est clairement dans un schisme bien bien luthérien, voire calviniste.

    Austère. Glacé. Efficace. La grâce divine ne se mesure qu’à l’aune de la rapidité de chargement des pages, et qu’importe si tu aimais bien tes jolis petits modules Firefox bien pompeurs de bande passante: LES PREMIERS CROYANTS N’EN AVAIENT PAS BESOIN, EUX. Non mais. Revenons aux fondamentaux.

    (Cela étant, on peut quand même personnaliser un peu Chrome, c’est le revers de la médaille d’être une Eglise réformée et anticentralisation: y’a plein de petites sectes qui émergent.)

    Chrome, c’est la prédestination dans toute sa splendeur: à ceux qui abandonnent l’Eglise Crosoftique, ils connaîtront le salut et la béatitude qu’offre tout un panel d’applications web-based (logiciels utilisables via un navigateur, sans installation). Car il est écrit que les incroyants, la putain de Babylone et ces salopards de transubstanciateurs replets n’auront à terme plus droit de rêver à ce paradis plein de nimbes, de nues et d’anges asexués quoique dodus (baptisé “CLOUD COMPUTING”. Coïncidence ? M’étonnerait.)

  • Opera

  • Reste Opera. Il est pénible, Opera, c’est pas un navigateur “abrahamique” (c’est-à-dire “mosaïcien”): il descend pas des autres navigateurs, il n’est pas schismatique, il est juste là quoi.

    Et il est innovant – peut-être le plus innovant de tous.

    Pour maintenir la stabilité interconfessionnelle, nous nous contenterons donc de cette brève observation: OPERA EST HÉRÉTIQUE ET, PAR CONSÉQUENT, MÉRITE DE BRÛLER EN ENFER.

    Point.

  • Attention amis puristes: tout ce qui vient d’être dit est complètement bousculé par l’émergence des navigateurs mobiles, sorte d’Apocalypse au sens de “Révélation”. Certains survivront, d’autres périront, mais tous ne seront pas sauvés. Bien fait pour ces losers.

    Je conclurai en t’invitant, lectorat fidèle à tel ou tel culte, à ne pas te tromper d’icône sur ton bureau.

    Alors, mon très cher frère, avec la cohorte des hiérarchies angéliques, nous pourrons nous écrier, bras ouverts, coeur en joie et face tournée vers le Seigneur:

    « O Browser, where art thou ? »

    (Amen.)

    Posté le: février 8th, 2010
    Catégorie: Eurêka
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    Commentaires: 465 Comments.

    E Mare Libertas (toi aussi fonde une principauté)

    Sur l’échelle de la coolitude, être prince d’une principauté se pose là.

    Recherché par les meilleures sociétés, coqueluche des jolies dames, le prince de principauté fait tout comme en se jouant.

    « Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Être de quelque chose, ça pose un homme, comme être de garenne, ça pose un lapin », écrivait Alfonse Allais, qui gâchait son petit effet en arborant à tout propos un désespérant canotier.

    Alphonse Allais et son canotier

    Hélas, il se trouvera toujours quelque grincheux pour vous contester la rutilante prothèse d’état-civil que vous aurez usurpée.

    Surtout si vous vous prétendez “Gégé Grimaldi de Monaco” ou “Frédo, prince du Vatican”.

    (Ça risque de se voir.)

    Pour autant, l’homme du monde devrait-il renoncer à jouir du clinquant prestige de porter particule ? Les exemples de René des Musclés (R.I.P.) ou de Filip des 2B3 (R.I.P.) nous enseignent que non. Leurs décès, étrangement consécutifs, laissent d’ailleurs penser qu’on leur a fait payer cette audace mais je n’en dis pas plus, la vérité éclatera un jour et les têtes tomberont.

    Aussi, plutôt que de passer vos dimanches à regarder le foot ou tricoter des chandails, je vous invite à consacrer vos loisirs à la fondation d’une principauté.

    C’est ce qu’a fait l’éminent Roy Paddy Bates, ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté, en fondant Sealand.

    Sealand - Les Rough Towers

    Précisons en préambule que Roy Paddy Bates, ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté et ex-prince de Sealand désormais à la retraite, serait un proche du vicomte Philippe Le Jolis de Villiers. Je n’ai pas vérifié, c’est Viquipédia qui nous l’indique.

    Une information, bien sûr, à prendre avec des pincettes de conditionnel.

    Mais à part un copain présumé du potentat de Vendée et un ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté, qui est donc Roy Paddy Bates, prince retraité de Sealand ?

    La question est excellente et je te remercie.

    Cher lectorat.

    De me l’avoir posée.

    Roy Paddy Bates, ou Paddy Roy Bates, on trouve les deux, est un ancien animateur de radio pirate, façon “Good Morning England“.

    Il fait un temps brumeux, ce matin de décembre 1966, quand l’ami Paddy et des copains s’installent sur la plate-forme militaire désafectée de Rough Towers, au large des côtes anglaises. Un genre de Fort-Boyard-sans-Père-Fourras édifié après 1940 dans les eaux internationales, et censé protéger l’estuaire de la Tamise d’éventuelles incursions nazies.

    (Car en leur temps, les nazis incursionnaient beaucoup. Polonais et Bretons en gardent un souvenir ému.)

    Ni une, ni deux, Paddy, qui a pris auparavant l’avis de jurisconsultes pour vérifier que la plate-forme échappe bien au droit britannique, déclare l’indépendance de l’endroit, sous le nom de “Sealand”, et s’en proclame prince régnant.

    CLASSOS.

    Après quoi, il la dotera d’une constitution, d’un gouvernement, d’un hymne, d’une monnaie, d’un drapeau, d’une devise latine (“E Mare Libertas“, “À partir de la mer, la liberté”) et même d’armoiries en bonne et due forme.

    Blason de la principauté de Sealand

    Armes qui se blasonnent: “Tiercé en barre, de gueules, d’argent et de sable”. C’est fou.

    COÏNCIDENCE: les Rough Towers ont été construites sur un banc de sable, puis conquises par un ancien militaire fort en gueule, qui a résisté à un assaut de la Royal Navy, à un vaste incendie ou encore à une tentative de putsch interne de la part d’un ancien copain, et cette microprincipauté de 550 m2 pourrait rapporter pas mal d’argent au prince héritier, Michael, fils de Son Altesse Roy Paddy, si quelqu’un daigne la racheter.

    Car Sealand, oui-da, était, aux dernières nouvelles, à vendre.

    Une bien belle idée-cadeau-pour-les-fêtes-de-fin-d’année, admets-le.

    Petit tour du propriétaire.

    Joli, hein.

    D’autant que la Grande-Bretagne, semble-t-il, préfère tolérer un bien inoffensif État fantoche au large de ses côtes plutôt que d’en faire un martyr sous l’œil des caméras étoutétout. Comme on les comprend.

    Sealand est un exemple parmi d’autres.

    Citons notamment la principauté de Hutt River, sur la côte ouest de l’Australie. Ou Seborga, en Italie, et son charismatique “Prince Giorgio Ier”, ex-fleuriste du village, autoproclamé en 1963 et plébiscité par ses concitoyens par 304 voix contre 4.

    Des micronations autoproclamées, y’en a un paquet. Sans parler de toutes celles qui, simples utopies, ne revendiquent aucun territoire précis et ont fleuri en marge d’internet, ce vaste minitel mondial ouvert à toutes les fantaisies libertaires.

    Des chercheurs, comme cet universitaire québécois (article très intéressant ma foi), se sont même penchés sur ce phénomène des micronations autoproclamées, dont la Toile a accéléré la médiatisation… et donc la multiplication.

    C’est assez amusant, au final, de voir comment une potacherie de hippies chevelus peut déboucher sur une situation diplomatique intenable, où des Etats constitués n’ont aucun moyen d’interdire ces Etats d’opérette en leur sein… car engager une lutte (juridique ou militaire), ce serait leur offrir la reconnaissance dont ces derniers rêvent.

    Belle revanche de la poésie sur le réel, n’est-ce pas Giorgio ?

    -”SI, È VERO.”

    Son Altesse Giorgio Ier, prince de Seborga

    Posté le: décembre 23rd, 2009
    Catégorie: Pêle-mêle
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