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De la moustache comme paroxysme de la coolitude

Comme annoncé dans mon précédent billet, vendredi était officiellement le MOUSTACHE DAY.

Ma lèvre supérieure personnelle était munie pour l’occasion d’un duvetage du meilleur aloi, à l’issue de trois bonnes semaines de privation de rasoir, car à l’instar de l’hirondelle et du boa je suis peu pileux (note l’effort de planification).

Moustaches et mini-mugs

Cette première édition de la Journée internationale de la Moustache fut un incontestable succès, puisque pas moins de cinq personnes au total se sont pointés à la rédac’ nantis de ce bel attribut viril vénéré dans plusieurs cultures orientales et qui agrémente à peu de frais les faciès les plus renfrognés.

Pourquoi diable le MOUSTACHE DAY ? demanderas-tu, car personnellement l’idée de ressembler à Papa Schultz te paraît saugrenue (ach so).

Le MOUSTACHE DAY est né dans nos cerveaux féconds à la sortie du film Tournée de Mathieu Amalric. Un film où ledit Mathieu Amalric porte la moustache comme un impeccable dandy. Plus qu’un film d’ailleurs, une ode à la pilosité faciale.

Sauf qu’un de mes collègues et néanmoins ami s’inscrivait en faux.

Joachim Zand est tout sauf cool, éructa-t-il par messagerie interne, non sans écorcher au passage le nom du personnage incarné par Matthieu Amalric (l’impeccable dandy).

J’ai maintenu mon propos, ami de la vérité (et de la contradiction gratuite) que je suis.

Mon interlocuteur a alors dégainé l’arme du défi, comme un gant jeté à ma face barbue-de-trois-jours que nulle moustache ne chamarrait encore: «Le 15 août prochain, tout le monde en moustache, on verra qui est cool et qui ne l’est pas.»
«Le 15 août je peux pas, je serai en vacances», objectai-je, considérant en outre et en mon for intérieur qu’il était très malséant d’arborer des bacchantes le jour même de l’Assomption de Notre Dame la Vierge Marie, dont la Bible ne nous signale pas qu’elle ait arboré la stache à l’heure de monter aux Cieux.
«Eh bah le 20 août, alors.»
«Vendu.»

Voilà pourquoi ce vendredi-là, plutôt qu’un autre, était particulièrement chatoyant au niveau supra-labial.

D’ailleurs, comme le souligne avec à-propos le tumblr du jour, tous les grands hommes du monde portent la moustache.

Un proverbe allemand, pioché sur Viquipédia, nous apprend en outre que « Ein Kuss ohne Schnurrbart ist wie Suppe ohne Salz », c’est-à-dire qu’« un baiser sans moustache est comme une soupe sans sel » d’où, notamment, tout le sel de la série Papa Schultz où un gros plein de soupe à moustache se faisait baiser en beauté.

Conclusion que je tire de ce Moustache Day: porter la stache est hyper coolos, attendu que c’est délicieusement second degré, parfaitement inattendu et notoirement vintage.

Du rire, de l’imprévisibilité, du suranné, bref, une réussite.

(Oh, je le devine, il se trouvera des esprits chagrins pour n’être pas d’accord et multiplier les arguties jusqu’à plus soif. Auquel cas, pour trancher, nous organiserons une Journée internationale du débat sur la journée internationale de la moustache.)

Au passage, pour appuyer mon propos, voici une liste non exhaustive de tous les gens qui sont coolos en moustache:
-Jean Rochefort, l’immuable élégance.
-Jason Schwartzman, la placidité fantasque.
-Johnny Depp, la virevoltance baroque.
-Vicente Del Bosque, la bonhomie victorieuse.
-Thierry Henry, la jeunesse moderne.
-John Cleese, l’absurdité pincée.

Pour conclure, une petite anecdote: vendredi soir, toujours en moustache, j’ai apéroté en bord de canal avec quelques amis, dont l’une est d’origine asiatique et me maintient, à chaque fois qu’elle me croise, que j’ai le faciès d’un tartare, d’un mongol, bref un mec vivant sous une yourte quoi (c’est la seule personne au monde à le prétendre, et de plus, quand on se croise elle a souvent bu).

Ressemblance renforcée, m’assura-t-elle vendredi, par le port de la stache.

Le cousin Gengis

On ne va pas se mentir, à part les pommettes un peu saillantes éventuellement, je n’ai pas grand chose de commun avec le très compréhensif Gengis Khan ci-dessus, à commencer par les yeux bof bridés (tiens, un petit LOL Inception au passage). Et vu ma généalogie, déséspérément auvergnate, je dois pas avoir beaucoup de chromosomes qui ont caracolé à longueur de steppes.

De deux choses l’unes: soit cette demoiselle se moque, soit je fais effectivement partie des millions de descendants de Gengis Khan. Lequel pensait pis que pendre de ses futurs rejetons, selon l’historien persan Rachid al-Din:

« Nos descendants se vêtiront d’habits dorés, mangeront des mets gras et sucrés, monteront d’excellents coursiers, presseront dans leurs bras les plus belles femmes et oublieront qu’ils nous le doivent. »

Bien vu Gengis, je pense rarement à toi au McDo.

E Mare Libertas (toi aussi fonde une principauté)

Sur l’échelle de la coolitude, être prince d’une principauté se pose là.

Recherché par les meilleures sociétés, coqueluche des jolies dames, le prince de principauté fait tout comme en se jouant.

« Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Être de quelque chose, ça pose un homme, comme être de garenne, ça pose un lapin », écrivait Alfonse Allais, qui gâchait son petit effet en arborant à tout propos un désespérant canotier.

Alphonse Allais et son canotier

Hélas, il se trouvera toujours quelque grincheux pour vous contester la rutilante prothèse d’état-civil que vous aurez usurpée.

Surtout si vous vous prétendez “Gégé Grimaldi de Monaco” ou “Frédo, prince du Vatican”.

(Ça risque de se voir.)

Pour autant, l’homme du monde devrait-il renoncer à jouir du clinquant prestige de porter particule ? Les exemples de René des Musclés (R.I.P.) ou de Filip des 2B3 (R.I.P.) nous enseignent que non. Leurs décès, étrangement consécutifs, laissent d’ailleurs penser qu’on leur a fait payer cette audace mais je n’en dis pas plus, la vérité éclatera un jour et les têtes tomberont.

Aussi, plutôt que de passer vos dimanches à regarder le foot ou tricoter des chandails, je vous invite à consacrer vos loisirs à la fondation d’une principauté.

C’est ce qu’a fait l’éminent Roy Paddy Bates, ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté, en fondant Sealand.

Sealand - Les Rough Towers

Précisons en préambule que Roy Paddy Bates, ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté et ex-prince de Sealand désormais à la retraite, serait un proche du vicomte Philippe Le Jolis de Villiers. Je n’ai pas vérifié, c’est Viquipédia qui nous l’indique.

Une information, bien sûr, à prendre avec des pincettes de conditionnel.

Mais à part un copain présumé du potentat de Vendée et un ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté, qui est donc Roy Paddy Bates, prince retraité de Sealand ?

La question est excellente et je te remercie.

Cher lectorat.

De me l’avoir posée.

Roy Paddy Bates, ou Paddy Roy Bates, on trouve les deux, est un ancien animateur de radio pirate, façon “Good Morning England“.

Il fait un temps brumeux, ce matin de décembre 1966, quand l’ami Paddy et des copains s’installent sur la plate-forme militaire désafectée de Rough Towers, au large des côtes anglaises. Un genre de Fort-Boyard-sans-Père-Fourras édifié après 1940 dans les eaux internationales, et censé protéger l’estuaire de la Tamise d’éventuelles incursions nazies.

(Car en leur temps, les nazis incursionnaient beaucoup. Polonais et Bretons en gardent un souvenir ému.)

Ni une, ni deux, Paddy, qui a pris auparavant l’avis de jurisconsultes pour vérifier que la plate-forme échappe bien au droit britannique, déclare l’indépendance de l’endroit, sous le nom de “Sealand”, et s’en proclame prince régnant.

CLASSOS.

Après quoi, il la dotera d’une constitution, d’un gouvernement, d’un hymne, d’une monnaie, d’un drapeau, d’une devise latine (“E Mare Libertas“, “À partir de la mer, la liberté”) et même d’armoiries en bonne et due forme.

Blason de la principauté de Sealand

Armes qui se blasonnent: “Tiercé en barre, de gueules, d’argent et de sable”. C’est fou.

COÏNCIDENCE: les Rough Towers ont été construites sur un banc de sable, puis conquises par un ancien militaire fort en gueule, qui a résisté à un assaut de la Royal Navy, à un vaste incendie ou encore à une tentative de putsch interne de la part d’un ancien copain, et cette microprincipauté de 550 m2 pourrait rapporter pas mal d’argent au prince héritier, Michael, fils de Son Altesse Roy Paddy, si quelqu’un daigne la racheter.

Car Sealand, oui-da, était, aux dernières nouvelles, à vendre.

Une bien belle idée-cadeau-pour-les-fêtes-de-fin-d’année, admets-le.

Petit tour du propriétaire.

Joli, hein.

D’autant que la Grande-Bretagne, semble-t-il, préfère tolérer un bien inoffensif État fantoche au large de ses côtes plutôt que d’en faire un martyr sous l’œil des caméras étoutétout. Comme on les comprend.

Sealand est un exemple parmi d’autres.

Citons notamment la principauté de Hutt River, sur la côte ouest de l’Australie. Ou Seborga, en Italie, et son charismatique “Prince Giorgio Ier”, ex-fleuriste du village, autoproclamé en 1963 et plébiscité par ses concitoyens par 304 voix contre 4.

Des micronations autoproclamées, y’en a un paquet. Sans parler de toutes celles qui, simples utopies, ne revendiquent aucun territoire précis et ont fleuri en marge d’internet, ce vaste minitel mondial ouvert à toutes les fantaisies libertaires.

Des chercheurs, comme cet universitaire québécois (article très intéressant ma foi), se sont même penchés sur ce phénomène des micronations autoproclamées, dont la Toile a accéléré la médiatisation… et donc la multiplication.

C’est assez amusant, au final, de voir comment une potacherie de hippies chevelus peut déboucher sur une situation diplomatique intenable, où des Etats constitués n’ont aucun moyen d’interdire ces Etats d’opérette en leur sein… car engager une lutte (juridique ou militaire), ce serait leur offrir la reconnaissance dont ces derniers rêvent.

Belle revanche de la poésie sur le réel, n’est-ce pas Giorgio ?

-”SI, È VERO.”

Son Altesse Giorgio Ier, prince de Seborga

Posté le: décembre 23rd, 2009
Catégorie: Pêle-mêle
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