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E Mare Libertas (toi aussi fonde une principauté)

Sur l’échelle de la coolitude, être prince d’une principauté se pose là.

Recherché par les meilleures sociétés, coqueluche des jolies dames, le prince de principauté fait tout comme en se jouant.

« Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Être de quelque chose, ça pose un homme, comme être de garenne, ça pose un lapin », écrivait Alfonse Allais, qui gâchait son petit effet en arborant à tout propos un désespérant canotier.

Alphonse Allais et son canotier

Hélas, il se trouvera toujours quelque grincheux pour vous contester la rutilante prothèse d’état-civil que vous aurez usurpée.

Surtout si vous vous prétendez “Gégé Grimaldi de Monaco” ou “Frédo, prince du Vatican”.

(Ça risque de se voir.)

Pour autant, l’homme du monde devrait-il renoncer à jouir du clinquant prestige de porter particule ? Les exemples de René des Musclés (R.I.P.) ou de Filip des 2B3 (R.I.P.) nous enseignent que non. Leurs décès, étrangement consécutifs, laissent d’ailleurs penser qu’on leur a fait payer cette audace mais je n’en dis pas plus, la vérité éclatera un jour et les têtes tomberont.

Aussi, plutôt que de passer vos dimanches à regarder le foot ou tricoter des chandails, je vous invite à consacrer vos loisirs à la fondation d’une principauté.

C’est ce qu’a fait l’éminent Roy Paddy Bates, ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté, en fondant Sealand.

Sealand - Les Rough Towers

Précisons en préambule que Roy Paddy Bates, ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté et ex-prince de Sealand désormais à la retraite, serait un proche du vicomte Philippe Le Jolis de Villiers. Je n’ai pas vérifié, c’est Viquipédia qui nous l’indique.

Une information, bien sûr, à prendre avec des pincettes de conditionnel.

Mais à part un copain présumé du potentat de Vendée et un ancien major de l’armée de Sa Très Gracieuse Majesté, qui est donc Roy Paddy Bates, prince retraité de Sealand ?

La question est excellente et je te remercie.

Cher lectorat.

De me l’avoir posée.

Roy Paddy Bates, ou Paddy Roy Bates, on trouve les deux, est un ancien animateur de radio pirate, façon “Good Morning England“.

Il fait un temps brumeux, ce matin de décembre 1966, quand l’ami Paddy et des copains s’installent sur la plate-forme militaire désafectée de Rough Towers, au large des côtes anglaises. Un genre de Fort-Boyard-sans-Père-Fourras édifié après 1940 dans les eaux internationales, et censé protéger l’estuaire de la Tamise d’éventuelles incursions nazies.

(Car en leur temps, les nazis incursionnaient beaucoup. Polonais et Bretons en gardent un souvenir ému.)

Ni une, ni deux, Paddy, qui a pris auparavant l’avis de jurisconsultes pour vérifier que la plate-forme échappe bien au droit britannique, déclare l’indépendance de l’endroit, sous le nom de “Sealand”, et s’en proclame prince régnant.

CLASSOS.

Après quoi, il la dotera d’une constitution, d’un gouvernement, d’un hymne, d’une monnaie, d’un drapeau, d’une devise latine (“E Mare Libertas“, “À partir de la mer, la liberté”) et même d’armoiries en bonne et due forme.

Blason de la principauté de Sealand

Armes qui se blasonnent: “Tiercé en barre, de gueules, d’argent et de sable”. C’est fou.

COÏNCIDENCE: les Rough Towers ont été construites sur un banc de sable, puis conquises par un ancien militaire fort en gueule, qui a résisté à un assaut de la Royal Navy, à un vaste incendie ou encore à une tentative de putsch interne de la part d’un ancien copain, et cette microprincipauté de 550 m2 pourrait rapporter pas mal d’argent au prince héritier, Michael, fils de Son Altesse Roy Paddy, si quelqu’un daigne la racheter.

Car Sealand, oui-da, était, aux dernières nouvelles, à vendre.

Une bien belle idée-cadeau-pour-les-fêtes-de-fin-d’année, admets-le.

Petit tour du propriétaire.

Joli, hein.

D’autant que la Grande-Bretagne, semble-t-il, préfère tolérer un bien inoffensif État fantoche au large de ses côtes plutôt que d’en faire un martyr sous l’œil des caméras étoutétout. Comme on les comprend.

Sealand est un exemple parmi d’autres.

Citons notamment la principauté de Hutt River, sur la côte ouest de l’Australie. Ou Seborga, en Italie, et son charismatique “Prince Giorgio Ier”, ex-fleuriste du village, autoproclamé en 1963 et plébiscité par ses concitoyens par 304 voix contre 4.

Des micronations autoproclamées, y’en a un paquet. Sans parler de toutes celles qui, simples utopies, ne revendiquent aucun territoire précis et ont fleuri en marge d’internet, ce vaste minitel mondial ouvert à toutes les fantaisies libertaires.

Des chercheurs, comme cet universitaire québécois (article très intéressant ma foi), se sont même penchés sur ce phénomène des micronations autoproclamées, dont la Toile a accéléré la médiatisation… et donc la multiplication.

C’est assez amusant, au final, de voir comment une potacherie de hippies chevelus peut déboucher sur une situation diplomatique intenable, où des Etats constitués n’ont aucun moyen d’interdire ces Etats d’opérette en leur sein… car engager une lutte (juridique ou militaire), ce serait leur offrir la reconnaissance dont ces derniers rêvent.

Belle revanche de la poésie sur le réel, n’est-ce pas Giorgio ?

-”SI, È VERO.”

Son Altesse Giorgio Ier, prince de Seborga

Posté le: décembre 23rd, 2009
Catégorie: Pêle-mêle
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