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Mes Succintes Trinités

(Joyeuses fêtes tout ça tout ça.)

Tu l’as peut-être entendu en laissant traîner l’oreille, que tu as baladeuse comme une mimine de papy pervers et un peu trop tactile, mais il est une nouvelle qui fait frétiller tout le petit milieu de la cinématographie.

Cette nouvelle est toute moustache et toute coiffure en pétard. Cette nouvelle est 100% dandys. Cette nouvelle est mon Noël à moi.

Ouvrons les guillemets et grand les mirettes:

« Edouard Baer envisage de faire tenir le rôle de Liliane Bettencourt, l’héritière de l’empire L’Oréal, par… Jean Rochefort. L’acteur et réalisateur à l’humour décalé jouerait, pour sa part, François-Marie Banier. »

L'un de ces deux acteurs a un très joli prénom.

Je lis ça ici ; mais j’ai surtout entendu ça , bercé par une inimitable élocution moustachue.

Ouf: Jean Rochefort devrait conserver sa moustache pour interpréter Lady Gaga.

(Nous voilà rassurés. Ainsi, Jeannot participera bien, le 20 août prochain, à la deuxième édition de la Journée internationale de la moustache que nous avons lancée l’été dernier avec un succès qui force le respect et appelle à récidiver, toutes babines velues.)

Mais alors, diras-tu, pourquoi, à cette nouvelle, frétiller de plusieurs organes très importants ?

Parce que Jean Rochefort et Edouard Baer figurent dans l’une de mes deux Succintes Trinités, celle des Acteurs (j’en ai une autre, de Succinte Trinité, consacrée aux Auteurs). En gros, c’est mon petit Top 3 des gens que je préfère le plus dans le monde entier de mes gens préférés (parmi les Acteurs, ou les Auteurs, pour le moment). Mais dire Top 3 c’est galvaudé. Alors que Trinité ça évoque à la fois la Trinité-sur-Mer et Trinité-et-Tobago, ça sonne vent du large chargé d’embruns fouettant le visage buriné des marins indomptables qui s’embarquent bravaches sur d’incertaines coques de noix pour aller lutiner de la métisse sous des latitudes enchanteresses où la noix de coco doucereuse abonde davantage que le radis noir, d’autant que la Trinité-sur-Mer, comme l’indique son site internet, c’est “L’ESCALE-PASSION EN TOUTES SAISONS”.

Oh, amour, te souvient-il de notre escale-passion d’automne à la Trinité ? Tu avais mis un k-way pervenche car il faisait fraîchou.»)

Pourquoi «Succintes», au passage ? Mais enfin pour la redondance pléonastique, lectorat liseur d’écrits, car il ne me semble pas qu’un Top 3 soit particulièrement exhaustif.

Soulignons que Mes Succintes Trinités (MST) se transmettent par contact prolongé avec moi.

Tu n’y tiens plus, tu piaffes, tu trépignes, alors les voilà, mes fameuses deux trinités (soit six personnages au total dans mon petit Panthéon personnel, et aucun régicide poudré dedans icelui, OUI C’EST POLITIQUE OUI, note que je crois fort au retour de nos Roys sur le trône en 2020, lorsque la populace aura enfin compris que le meilleur régime est quand même de confier tout pouvoir à un dégénéré emperruqué en fin de race qui se mariera avec sa cousine qu’il besognera vilainement devant l’ensemble du gouvernement, sous-secrétaires d’Etat y compris, afin de nous pondre un dauphin livide et souffreteux destiné à présider, depuis son déambulateur à dorures, aux destinées grandioses et universelles de la France-éternelle-Fille-aînée-de-l’Eglise).

Trilogie 1: LES ACTEURS

I. Le père: Jeannot “La Moustache” Rochefort: une voix, une moustache, des rôles de raté magnifique, une imitation quasi parfaite du “toucher de testicule à la chimpanzé”, 80 ans et même pas gâteux, bref, le grand-père idéal quoi. En plus je l’aime d’amour car il avait accepté qu’on l’interviewe alors qu’on n’était qu’étudiants en journalisme, on avait été conviés chez lui, il porte des grosses baskets et il mange des Gervitas.

Lundi soir, sur Arte, il y avait “Ridicule” de Patrice Leconte, excellent film, et là, LE CHOC: Jean Rochefort n’y porte pas de moustache. Alors même qu’il déclare à l’envi: «Raser ma moustache c’est comme enlever mon slip.» (Le grand-père idéal je vous dis.)

II. Le fils: Edouard “Doudou le Dandy” Baer: une voix, un toupet, des rôles de branleur magnifique, une contribution immortelle à l’humour mondial sous la forme du Centre de visionnage de l’émission Nulle Part Ailleurs sur la chaîne Canal Plus dans le but de contribuer à son amélioration dans la mesure où il y aurait lieu de le faire, une autodérision dudit Centre de visionnage sous la forme d’un film parfaitement curieux, La Bostella, que je viens de revoir pour le plaisir, et puis une faconde, et puis un débit, un baratin, une verve. Bien malgré moi, je connais certaines de ses tirades par coeur, ça effraie dans les soupers fins.

III. Le (pas très) sain d’esprit: Benoit “Le Barge” Poelvoorde: une voix nasillarde, un physique de grand albatros dégingandé, une déglinguerie incontrôlable et un accent de Namur inimitable, un chef d’oeuvre de film culte où on se tait et on laisse répondre Rémi, des merveilles de mauvais goût avec Monsieur Manatane, bref, ça donnerait presque envie d’être Belge. Ou de se faire passer pour un belge.

(Idem, je peux réciter de mémoire du Manatane ou du C’est arrivé près de chez vous, au point que parfois j’effraie alentour. J’ai une très bonne mémoire c’pas d’ma faute hein.)

Trilogie 2: LES AUTEURS

I. Le père: Alexandre “L’Auvergnat” Vialatte: pas facile d’accès comme lecture, mais diablement fin, un sens de la formule, et des chroniques journalistiques qui sont des merveilles d’absurde. Voilà ce que dit de lui Desproges, qui avait oublié d’être un con sinon je ne lui aurais pas à l’instant pillé cette vanne: « L’essentiel de l’oeuvre (de Kafka) a été traduite en français par Alexandre Vialatte qui est assurément l’un des plus grands écrivains de ce demi-siècle, ce ne sont pas les trous du cul du nouveau roman qui me pèteront le contraire. (Vialatte comme Kafta) étaient éblouissants d’intelligence, pétris du même humour sombre, l’un et l’autre perpétuellement en état de réaction lucide contre l’absurdité fondamentale des guichetiers infernaux de l’administration des âmes. »

Je n’en dis pas plus, je pourrais gloser à l’infini sur les chroniques de Vialatte, que l’auteur concluait invariablement par une allusion à la « grandeur consécutive d’Allah » (« Et c’est ainsi qu’Allah est grand »), ce qui, pour un natif de Magnac-Laval assez peu porté sur la babouche et le ramadan, ne manquera pas de nous égayer.

II. Le fils: Pierrot “J’ai tout lu de lui” Desproges: oui, tout, même son roman et une biographie. Je suis allé sur sa tombe au Pere Lachaise, j’ai donc lu également sa pierre tombale, enfin en l’occurence c’est pas vraiment une pierre (ne jetons pas la pierre à Pierre) mais un jardinet («A SHRUBBERY! NI! NI!») où s’épanouissent follement graminées et épineuses, enserrant une caricature sous cadre du cher disparu – c’est toujours mieux qu’une ardoise avec un portrait en faïence mal dessiné qui met tout le monde mal à l’aise dans le cimetière.

Pour la Noël, j’ai reçu l’intégrale de Pierrot en DVD, mon coeur s’est enchamadé d’exaltation et de gratitude.

III. Le plein d’esprit: J’ai failli mettre Michel Folco dans cette case, et pis merde, ce sera François Rollin. Note que Rollin aurait pu atterrir parmi les acteurs, car c’est aussi (et surtout ?) un acteur qui abuse de sa grosse voix grave autoritaire afin de débiter de l’emphase au kilomètre avec un aplomb qui force le respect. Mais il a aussi pondu des bouquins, dont deux petites merveilles à offrir pour la Noël (ouais je sais que ça sert plus à rien les idées cadeaux pour la Noël mais j’ai tardé à le pondre ce billet, c’est long à rédiger les Succintes Trinités, comme leur nom ne l’indiquent pas) ; deux petites merveilles d’humour drôle donc, Les Grands Mots du Professeur Rollin et Les Belles Lettres du Professeur Rollin, disponibles en poche pour l’équivalent d’un demi-rein à la Bourse aux organes de Pristina (le cours du demi-rein est très avantageux je te l’accorde).

Voilà.

Maintenant tu sauras quoi m’offrir comme cadeau, lectorat fortuné, à l’occasion du 50e billet de ce bloûg (c’est pour bientôt).

Note que j’aurais pu aussi pondre une Succinte Trinité des auteurs de bédés (Le père: Gotlib ; Le fils: Monsieur Le Chien ; Le fin d’esprit: le scénariste Alain Ayroles que je voudrais pouvoir étreindre de mes grands bras maigres pour son authentique génie), mais trop de Trinité tue la Trinité — demandez à la Trinité-sur-mer si c’est pas vrai.

COÏNCIDENCE: Jeudi soir, ce fut un peu la conjonction de quatre de ces astres du rire absurbe: j’ai visionné, pour la première fois de ma vie, le film Akoibon, réalisé par Doudou Baer, with Doudou Baer, Jean Rochefort, Benoît Poelvoorde and François Rollin inside. Long-métrage très curieux (comme La Bostella, au passage), sauvé par ses acteurs et mon indulgence pour l’absurdité au 28e degré. Du reste, je ne te le conseille pas, lectorat rationnel, c’est un brin trop extravagant pour toi, ça part dans tous les sens, on en ressort avec un grand sentiment d’incompréhension mâtiné d’expressions cultes: «Moi, c’est Jean-Michel, mais on m’appelle Jean-Mi. Jean-Mi, l’ami des gens.»

Hop, bande-annonce:

C’est dire si j’attends la Liliane moustachue avec impatience.

Je suis d’autant plus impatient que je suis officiellement à trois smacks d’Edouard Baer (j’ai embrassé une fille qui a embrassé un pote qui a embrassé une fille qui a fait un smack à Edouard Baer).

Si on calcule bien je vais donc être, sous peu, à quatre smacks de Jean Rochefort.

L’accomplissement d’une vie.