Ne réhabilitons pas le jokari

Mon affable lectorat, il est urgent, impérieux et nécessaire de ne pas réhabiliter aujourd’hui au juste rang qui est le sien ce sport infâme, frustrant et sans joie qu’est le JOKARI.

Bloûguons un peu plutôt.

L’occasion déjà d’aller voir le bloûg de mon ami par alliance RFG (c’est mon bel-ami quoi. #sogay), qui te parle de chats, des internets, de musique et de manière absurbe.

L’occasion aussi de nous ausculter un peu à l’aune du zeitgeist.

(Je fais genre je parle allemand alors qu’en fait pas du tout, je suis l’une des trois personnes les moins germanistes du monde avec deux sourds-muets de la région mancelle, ce qui me met d’ailleurs en très mauvaise posture en vue de la Troisième guerre mondiale ; je risque de mal comprendre les consignes et de poser de traviole les parpaings des blockhaus du côté de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. En fait, je suis juste content d’être parti en ouikend à Berlin avé les copaings y’a pas longtemps. Bisous hein.)

Cette semaine une question me tourmente de là à là (voir figure 1), tout en me turlupinant ici (voir figure 2) et en me taraudant ci-contre (tourner sur soi-même, chanter la paimpolaise et revoir la figure 1).

Suis-je décidément le seul homme on Earth à n’avoir pas vu The Artist ?

Jean Dujardin spleeping on Mona Lisa.

Ça me fait mal de l’admettre, alors même que j’ai été biberonné à l’oeuvre de Michel Hazana-Sid-Vicius (paraît-il que c’est lituanien) dès mon âge le plus tendre.

Ainsi, dès que j’ai su marcher, je connaissais déjà par coeur toutes les répliques de La Cité de la Peur (j’ai marché sur le tard). J’ai aimé Le Grand Détournement : La Classe Américaine au premier regard, ce qui m’a permis de ne plus confondre la coquetterie et la classe. Et les OSS-117 sont ma petite friandise.

En fait, j’appréciais bôcoup Jean Dujardin avant qu’il ne devienne “l’un des acteurs préférés des Français” (oué, je suis un early-adopter). A savoir avant même qu’il ne se commette dans cette pantomime d’humour facile qu’est l’HUMOUR DE COUPLE, via Un Gars/Une Fille. Quand j’étais ado, les soirs d’été, avec les copaings, on regardait les émissions des Nous C Nous, notamment dans un machin qui s’appelait Farce Attaque (oui.).

Dans ces émissions, Jean Dujardin, qui n’était pas encore une star d’Hollywood à l’origine d’un MEME LOLILOL, portait un chapeau de fou du roi à grelots et se faisait filmer très très près de la caméra:

Que de chemin parcouru hein. Trajectoire assez folle: deux ans avant d’être encensé pour The Artist, la Duj’ se faisait défoncer pour Le Bruit des Glaçons où l’intégralité des scènes drolatiques était contenue dans la bande-annonce (EFFET-MIRAGE), autant dire que c’était une sacrée bouse.

Mais revenons plutôt au jokari (JEAN DUJARDIN + JOKARI = cette vidéo).

Non, revenons plutôt à Berlin.

Oh et puis zut, revenons au jokari à Berlin.

Le soir, dans les bars, les Berlinois ne jouent pas au jokari, mais à sa version chinoise sans ficelle, à savoir LE PING-PONG (en mode tournante). C’est une excellente idée d’ailleurs, parce que dès que t’as un peu bu c’est très convivial de tourner autour d’une table à la queue-leu-leu derrière des Allemands en fendant l’air de ta raquette rouge et noire comme Stendhal.

Tournante berlinoise.

Idée de génie. Le baby foot, c’est quatre joueurs maxi, huit joueurs à la limite si vraiment vous voulez jouer n’importe comment. Alors que la tournante de ping-pong, tu peux commencer à 20-30 joueurs et ça se finit en un contre un façon HIGHLANDER.

Je dois bien reconnaître que les Allemands, malgré tous leurs défauts, ont réinventé ici “la diplomatie du ping-pong“. Résultat, j’y ai passé une très bonne soirée, j’ai mis de côté mes préjugés antiteutons et je suis désormais d’accord pour leur rendre l’Alsace-Lorraine sans en passer par les pénibles formalités administratives d’une nouvelle Guerre mondiale.

Réhabilitons donc le tennis de table au juste rang qui est le sien.

Réhabilitons le badminton au juste rang qui est le sien

En mars dernier, j’ai signé un contrat avec mon excellent ami Cléante.

(J’utilise un pseudonyme tiré de Molière car ce brave enfant a ses pudeurs et moi j’ai pas mal de Lettres. Soyons clairs: mon excellent ami Cléante ne s’appelle pas du tout Cléante, et c’est heureux pour sa vie sentimentale. Même si on notera que dans L’Avare, Cléante est l’amant d’Angélique, et ce plusieurs siècles avant Robert Hossein.)

Adoncques (toi aussi, utilises “adoncques” pour ne pas céder à la tyrannie du mot “bref”), la scène se passait à Madrid.

J’étais insouciant, avec à la main la buée réconfortante de quelque canette de bière de Flandre, de Frise ou de Francfort. Le clair soleil printanier du Parque du Retiro caressait mon beau visage serein de justicier-milliardaire amoureux du risque, de la vie, et du génocide méthodique des bulles en plastique constitutives du papier-bulle.

J’étais bien. J’étais heureux. Je ne me méfiais pas.

Alors, sans vraiment réfléchir, j’ai signé.

Le contrat, rédigé à la va-vite sur un carnet de fortune, stipulait, quasiment en lettres de sang, l’engagement suivant:

À la rentrée de septembre, mon excellent ami Cléante et moi-même devions nous inscrire dans un club de badminton à la fin d’affiner, qui le galbe d’un mollet, qui la sculpturalité d’un pectoral.

Faire du badminton avec un très gros volant.

Pour seule alternative à la pratique du badminton, le contrat passé avec mon excellent ami Cléante prévoyait la pratique du barbecue. Et on ne va pas se mentir: pratiquer le barbecue à Paris, c’est aller au-devant de grandes déconvenues, surtout dès que les premiers frimas ont raison de la grillade d’appartement fenêtre ouverte.

Ou alors il faut disposer d’une terrasse, mais je pose la question: QUI DONC a une terrasse de nos jours à Paris, sinon les nantis, Isabelle Nanty, les Nanterrois, ainsi que tous les Nantais qui ont fait fortune dans l’export de bijoux-fantaisie vers nos colonies subsahariennes et dans l’import de main d’oeuvre peu qualifiée destinée à peupler nos champs de canne à sucre caribéens où on leur en cassait régulièrement sur le dos ? (des cannes, ainsi que du sucre).

Mais je m’égare, et pas seulement à jabite.

Le choix était donc simple: soit puer le graillon toute l’année, soit puer la sueur une fois par semaine.

LA MORT DANS L’ÂME ET LÂÂM EN CENDRILLON-2000, NOUS CHOISÎMES LE BADMINTON.

Or, le badminton, pour la plupart des gens, cela ressemble à ça:

Lords et Ladies britanniques se payant une bonne tranche de LOL dans les jardins du club échangiste.

À savoir: de délicats dandys, tous favoris aux vents dans leur complet-veston, qui, tout en conservant le monocle savamment coincé dans l’orbite oculaire, encouragent ces dames en robes corsetées à froufrous et profitent des interruptions de jeu pour évoquer les dernières nouvelles du front de Crimée.

Bien qu’arborant parfois le sourcil interloqué d’un parfait citoyen de Sa Gracieuse Majesté la reine Elizabeth II, ma virilité semblait ne pas gagner au change avec ce sport si décrié des anglophobes.

D’autant que ma gloire n’allait pas ressortir indemne de mes premiers coups de raquette.

Je jouais relativement comme un pied.

(A ma décharge, dans mon pays de montagnes neigeuses et frisquettes, les raquettes se mettent davantage aux panards qu’aux mimines.)

Pire, la première demoiselle venue m’en remontrait facilement, me faisant courir en tous sens pour m’achever d’un smash bien senti. Ce qui me galbait fort bien le mollet mais me salopait l’amour-propre, la virilité et toutes ces sortes de choses.

A-t-on déjà vu un complet-veston à monocle s’en faire remontrer par un corset à froufrou ? RIDICULE.

(Depuis, je me suis un peu amélioré, ce qui me sculpte un peu moins le pectoral mais m’épargne les blessures d’ego les plus graves, celles qui requièrent plusieurs mois de rééducation.)

En tous les cas, là n’est pas mon propos, car si je te serine depuis tout à l’heure avec mes histoires de volant, c’est que je tiens à réhabiliter officiellement le badminton, sport-bonheur, sport-passion, sport-tendresse, aux yeux de tous les rieurs qui croient pouvoir moquer impunément l’exquise subtilité de ce jeu d’esthètes fripons.

Comme l’affirme Viquipédia sans citer de source:

« Dans les faits, le badminton est l’un des sports les plus exigeants physiquement avec le squash. »

Alors, sans vouloir aucunement être vulgaire, à vous tous qui me répétez sottement que “le badminton n’est pas un sport”, POUPOUGNE.

J’ajouterais qu’il me suffit de remplacer les raquettes par des sabres lasers pour donner à un petit match un air de combat-final-pour-l’avenir-de-la-galaxie.

Qu’on me permette ici de paraphraser Obi-wan Kenobi:

« C’est élégant, maniable. Le sport noble d’une époque civilisée. »

ALORS HEIN, ALORS BON.

Du pluriel du mot “internet” sur les internets

J’ai fêté très récemment la Nowël avec ce que les démographes appellent la famille élargie (non que nous soyons tous devenus obèses: sache en revanche que je dispose d’un innombrable cousinage auvergnat, car notre avidité congénitale nous pousse à démultiplier les progénitures pour pouvoir vendre au prix fort un ou deux rejetons monstrueux à des cirques de passage ou des scientifiques peu scrupuleux).

Eh bien cette famille élargie comprend depuis un an un nouveau membre de facto plutôt que de jure, bam je te balance du latin comme ça, easy, au débotté, en la personne d’UN CHAT QUI S’APPELLE « PIXEL ».

Ce chat qui bâille s'appelle Pixel. Oui.

Ça ne s’invente pas.

Car, comme le rappelait Libé début décembre dans un numéro spécial particulièrement félin, les chats sont l’incarnation même des internets.

Ce qui me mène tranquillou, d’un pas de sénateur arpentant en charentaises le gravier craquetant du Luxembourg, à mon sujet du jour.

As-tu noté, lectorat attentif à l’air du temps dans le microcosme trendy du ouebdeupoinzéro, qu’il est désormais d’usage d’écrire et de dire « les internets » ? Au pluriel, avec article, souvent sans majuscule.

Citons par exemple l’intitulé du bloûg de Vincent Glad, avec qui, je le précise pour que tu ne cliques pas sur le lien de son site, je suis en énorme clash après que cette risible crapule a tenté de me molester, armée de ses seuls bras chétifs qu’elle engonce malingrement dans d’improbables chemises à carreaux d’aussi bon marché qu’elles sont de mauvais goût (mais enfin passons).

Alors qu’à l’origine, on écrivait ça joliment « Internet ».

Oui, « Internet », avec une majuscule pour faire sérieux, lisse, policé, autorisé, scientifique. Une majuscule austère et froide comme le design carré d’un oscilloscope des Seventies perdu dans une extension de laboratoire en Algeco embourbée sur le campus clairsemé d’une université de province.

C’était bien avant le LOL. Bien avant que le minitel mondial ne se démocratise. Bien avant que des nuées de hispsters en bottillons The Kooples se disent que c’est vachement plus classe de ne mettre aucune majuscule nulle part, même après un signe de ponctuation important, comme le suggérerait le bon goût et le désir hautement philanthropique de faciliter la lecture d’autrui (un constat fait il y a près de mille ans par des quintaux de moines replets et copistes).

SAUF QUE NON, je ne mets aucune majuscule nulle part tu vois, ma vie est tellement géniale et trépidante et spasmodique que j’ai pas une minute à perdre pour appuyer sur la touche shift. d’ailleurs je suis trop cool pour appuyer sur shift. d’ailleurs j’ai pas le temps de signer non plus, alors je mets juste mon initiale suivie d’un point tu vois (car j’ai le temps de mettre un point). et je rajoute des xxx parce que j’ai du second degré tu vois et surtout je vais régulièrement à new-york vu que j’avais genre 18 de moyenne en anglais LV2 en classe européenne, oui LV2, rappelle-toi, j’avais pris allemand première langue pour pas être dans les mêmes classes que les futurs chômeurs. allez kissous, xxx, j.

Disons-le tout net, ces gens-là méritent la mort par recopiage perpétuel des dictées de Pivot dans un goulag venteux de Laval ou de Noyon, ça leur permettra au passage d’agrémenter leur vernis de culture du mot «palindrome». Un bien joli terme qui nous permet d’apprendre que le préfixe grec “palin-” signifie “en arrière”, ce qui n’est pas étonnant vu que Sarah Palin est une sacrée rétrograde.

Sarah Palin fut parfois coiffée comme un tromblon.

Mais je m’égare, et pas seulement au gorille.

Donc, au début, on parlait d’« Internet », sans article, avec majuscule. Enfin, on n’en parlait pas, il n’y avait que votre cousin Jean-Christophe, étudiant en chimie aux lunettes d’écailles façon Pierre Mauroy, pour évoquer d’un air de conspirateur ce minitel mondial «créé par l’armée américaine», ce qui rangeait à ce titre le bouzin au même rang que les avions furtifs, le bouclier antimissile et Rambo.

Puis, pour votre mère, votre grand-mère et l’Académie française, c’est devenu « l’Internet », avec un “L” apostrophe de très mauvais goût.

Dès la fin des années 1990, un bloûgueur assez renommé à l’époque, répondant au doux nom d’ASP Explorer (toi-même tu sais), listait, en Comic Sans MS mais enfin nous lui pardonnerons car il ne savait pas ce qu’il faisait, « 10 RAISONS DE DIRE “INTERNET” AU LIEU DE “L’INTERNET” ».

On ne va pas se mentir, ce “L” apostrophe est désobligeant. Il n’y a que dans les campagnes les plus reculées, comme par exemple en Auvergne, où on met un article devant certains mots qui ne devraient pas en être gratifiés.

Ainsi, dans le Cantal, vous n’irez pas prendre un café chez Jeannine après une petite belote avec Roger et Raymond. Non, vous irez prendre un café chez LA Jeannine après une petite belote avec LE Roger et LE Raymond. Si par malheur il y a plusieurs Raymond, vous ne direz pas “un Raymond” : une particule viendra à votre secours et vous évoquerez LE Raymond de LA Michèle de Boussargues-en-Croustade.

Les esprits forts, oh il s’en trouve toujours parmi mon lectorat de caractère, objecteront qu’on ne fait pas de belote à trois, même avec le Raymond et le Roger. Je leur répondrai bien cordialement d’aller se faire voir du côté du Parthénon, que c’est un exemple qui n’a pas vocation à être parfaitement réaliste et qu’on en veut pour preuve qu’en Auvergne il est bien rare que la Jeannine vous paye le café.

Pourquoi donc cette double infamie de l’article et du pluriel dans l’expression « les internets » ?

Je pose la question. Et je vais tâcher d’émettre une hypothèse parce que j’ai pas écrit tout ce texte juste pour enfiler des perles.

Si la mode est à écrire « les internets », c’est peut-être parce que c’est délicieusement second degré d’employer le “L” apostrophe comme mémé ; et aussi parce que les médias grand public se sont approprié le terme « internet » (nom commun sans majuscule et sans article), et qu’il faut bien se distancier d’une manière ou d’une autre des vidéos youtube vieilles de plusieurs mois qui passent en prime time sur les chaînes généralistes avec un lancement du type “c’est LA vidéo qui fait le buzz en ce moment sur internet”.

Clairement, « les internets » ne correspondent pas au même monde qu’« internet ». Mettons qu’il y a au moins six mois d’écart entre les deux. C’est un peu comme quand on regarde les étoiles: leur lumière met des (milliers d’) années à nous parvenir, donc mater les étoiles dans le ciel, c’est OLD.

« Han, regarder la galaxie du Centaure à l’oeil nu c’est trop old, mec. Moi je ne mate que des photos du téléscope spatial Hubble. »

Personnellement, je me moque comme d’une guigne de publier une vidéo un brin périmée.

Regardons donc ensemble cette petite merveille portée à ma connaissance par le Docteur Garriberts. C’est à base de CATCH et de CHATONS, donc c’est forcément de qualité.

PS: Bonne année, Bon Iver et toutes ces sortes de choses.

Le Grand Webze

La dame de mes pensées (je n’entends pas par là la gardienne qui arrose mes jardinières de violettes quand je suis en vacances), la dame de mes pensées, donc, aime à me rabâcher qu’il n’est pas loisible à l’honnête homme de porter aux nues une quelconque célébrité du siècle, qu’en faisant cela on s’abaisse à mépriser son propre génie pour encenser celui des autres et que le statut de “fan” ou de “groupie” est le plus misérable qui soit car c’est la négation de toute forme de personnalité. En clair, elle est vénère qu’on puisse vénérer.

(Reconnaissons que la donzelle a son petit caractère.)

J’aime à lui rétorquer que pour ma part, j’esquive fort bien le problème en ne portant aux nues que des personnalités décédées ou en passe de l’être, et que par conséquent on ne peut pas légitimement me taxer de “fan” ou de “groupie”.

Tout au plus peut-on parler de nécrophile.

Pourtant, je dévie quelquefois de cette ligne de conduite pour flagorner honteusement certains de mes contemporains dont je juge qu’il sont dignes des plus riches encens, des plus beaux lauriers et, partout dans le monde, de petits autels domestiques amoureusement alimentés en bougies, en lueurs rougeoyantes et en portraits sous verre qu’on embrasse avec vénération et qu’on serre contre son petit coeur pâmé.

A commencer par toi, mon inestimable lectorat, que je flatte copieusement.

Et puis il y a François Rollin, que j’aime d’amour malgré l’évidente appartenance de chacun de nous deux à la fière engeance des pisse-debout (par opposition aux pisse-tassées), et toute la virulence de notre hétérosexualité respective, mais enfin les bouclettes m’ont toujours laissé un peu chose.

Colle ici ton visage pour devenir le meilleur ami d'Edouard Baer et François Rollin.

Je te confiais d’ailleurs récemment, lectorat hypermnésique, que cet immortel acteur-auteur-humoriste faisait partie de mes Succintes Trinités, à savoir mes petits “Top 3″ des gens que j’aimons bien.

Eh bien figure toi…

(nous y voilà)

… que François Rollin…

(ce phénix de l’absurbe, ce prince de l’actor’s-studio-à-très-grosse-voix)

… se lance dans une émission de télévision sur France 5, chaîne courageuse, baptisée pompeusement:


LE GRAND WEBZE

Le Grand Webze

Hommage, bien sûr, au «Grand Mezze», spectacle de théâtre-mais-pas-que, animé jadis par Edouard “Doudou” Baer en compagnie dudit Rollin.

Je t’invite à aller jeter un coup d’oeil sur le blog de ce Grand Webze (à prononcer “Webzé”), car c’est participatif, vois-tu.

Et ça s’annonce comme un grand n’importe quoi foutraque – À NE RATER SOUS AUCUN PRÉTEXTE DONC.

Par exemple, pour la première émission diffusée le 28 octobre prochain à 23 heures passées, François Rollin et Vinvin (il s’agit d’un animateur-blogueur à rouflaquettes) ont lancé des appels à candidatures sur l’internet mondial, afin de trouver:
- un prof de chinois
- un expert-comptable
- une personne qui a un problème pas trop grave mais qui souhaite tout de même en parler (si tu te reconnais dans cette définition, va, va, ton bonheur est au bout de ce clic).

Avouons que ça promet de très belles choses. Avouons que personne ne peut vraiment dire à quoi va ressembler cette émission, pour laquelle oui, je fais une retape éhontée alors que je ne touche aucune contrepartie (et encore moins le bout de mon nez avec ma langue).

Il y aura aussi, j’attends ça avec gourmandise, le très absurbe questionnaire de Prout, en hommage à feu Marcel Prout.

Ci-gît Marcel Prout et sa bien-aimée épouse Elisabeth Prout.
(Cette photo est courtesy of Le Grand Webze. En fait, je leur ai même pas demandé leur avis. Oseront-ils me faire jeter dans un cachot ?)

En somme, je m’attends un peu à ce que cette émission ne soit qu’un grand n’importe quoi devant caméra, comme à la bonne époque du Centre de visionnage (CDV comme disent les jeunes), on invite les copains, on se goberge en s’écoutant parler soi-même, et comme c’est en direct on peut toujours se dissimuler derrière LÉZALÉADUDIREK.

Comme le résume avec une concision toute professorale l’ami Rollin:

« Nous allons combler un vide mais nous ne savons pas encore lequel. »

Holala j’ai hâte j’ai hâte. J’en trépigne, j’en frétille. C’est comme la Noël avant l’heure.

Par ailleurs, je n’ai pas de jardinières de violettes, et encore moins de vacances.

Cinquantième rougissante

Cinquantième.

Bonsoir, bonsoir à toi (coucou je redescends de mon pâturage comme un mouton dodu repu de folles graminées alpestres),

Oui, ça fait bien longtemps que je ne t’ai pas entretenu, insatiable lectorat.

Tu es un peu ma danseuse, vois-tu, je ne t’entretiens que quand je suis en fonds, et pis sinon je te laisse papillonner vers d’autres bloûgueurs plus opulents qui te couvrent chaque jour de petits bijoux ciselés et de présents magnifiques (surtout celui du subjonctif).

Note que je n’en puis mais («I cannot but», comme disent les Anglais ou les mauvais attaquants de football). J’aimerais te donner plus, que tu aies toujours les plus beaux mots et les plus belles tournures. Mais je ne doute pas que si je recommence à te glisser quelques billets, tu reviendras.

Voilà déjà un acompte, lectorat avide, puisque c’est aujourd’hui le cinquantième billet depuis notre rencontre.

Oui, déjà, hein, comme le temps passe vite. Tu te souviens de notre première fois ? Qu’est-ce qu’on était insouciants à l’époque. Moi, j’étais un peu gauche, un peu naïf, et toi, tu avais la curiosité blasée de qui a connu nombre de bloûg avant . En fait, pour ce dépucelage, tu avais surtout l’air absent(e). Ce fut court, inabouti, et je suis sûr qu’aucun de nous deux n’imaginait vraiment que ça puisse durer entre nous.

Mais on a quand même continué à se fréquenter, de plus en plus souvent, et puis bam, la prise de conscience:

ÇA FAIT CINQUANTE FOIS QUE J’ÉCRIS, ÇA FAIT CINQUANTE FOIS QUE TU LIS.

Et 50, comme nous l’apprend Viquipédia, c’est le nombre de jalons nécessaires pour des noces d’or.

Cinquante, c’est aussi le nombre d’années nécessaires pour un jubilé.

(Jubile donc avec bibi, lectorat euphorique.)

Cinquante, c’est enfin le numéro atomique de l’étain. Tu sais, l’étain. Ces fils grisouilles malléables que ton prof-de-techno-barbu-à-veste-en-velours-avec-coudières te demandait de faire fondre et de répandre consciencieusement sur des circuits imprimés rudimentaires pour bidouiller un splendide porte-clé lumineux/spot tricolore/stroboscope de salon que tu rapportais chez toi, ivre de fierté et euphorique d’avoir créé de tes petits doigts gourds un objet aussi gadget, inutile, bâclé, avec des arrêtes coupantes et un fonctionnement aléatoire.

(C’est un peu mon sentiment vis-à-vis de Circonflexions.)

Je te propose de vérifier ensemble si le «contrat de lecture» de ce bloûg, annoncé dans mon tout premier billet (je te remets le lien, histoire que tu n’aies aucune excuse), a été respecté à la lettre.

On fait le bilan, calmement.

«Ce bloûg se veut une oeuvre de divertissement à vocation ludique et burlesque.»

… écrivais-je alors que je n’étais pas encore barbu-de-trois-jours et que, coïncidence ou pas, Mouammar Kadhafi était encore convié de bonne grâce dans les palais des rois du monde où ses pin’s en forme d’Afrique et ses boubous colorés détonnaient sous les lustres cossus. Oui, ça date, mon bon Anouar. Bon, je pense pouvoir dire qu’on a rigolé comme des bossus. La preuve, c’est qu’au moins une fois, à un moment donné pendant ces deux ans et demi, tu as eu mal au ventre. N’est-ce pas la preuve irréfutable que tu as trop ri ?

Pour le reste, je n’ai toujours pas reçu d’assignation au tribunal. J’attends.

«L’auteur décline toute responsabilité en cas de redondances qui confineraient au pléonasme. Voire même d’idées qui se répètent de manière relou, un peu comme une tautologie quoi, m’emmerdez pas.»

«L’auteur décline», ça c’est bien vrai. Je sens bien que je m’essouffle plus vite qu’avant quand je kidnappe des poussettes à la sortie des écoles (Mesdames, facilitez le travail des ravisseurs, desserrez les freins de vos landaus).

«C’est quoi le concept de ce bloûg, sa raison d’être ? Alors soyons lucides, Circonflexions n’a pas vraiment de concept, c’est un peu un fourre-tout. J’ai pas bien cherché, je dois l’avouer. Je me dis que ça viendra. Je ferai des catégories, comme ça on s’y retrouvera.»

On ne va pas se le cacher, mais je n’ai pas fait de catégories. Voilà. Que celui qui classe sa vaisselle ou ses vêtements par ordre alphabétique me jette la première pierre.

«Ça parlera probablement de panache…»

Done. Je t’ai même cité du Cyrano ici.

«… de mots que plus personne n’emploie…»

Done. Petit pot-pourri: lazzi, tantinet, galvaudé, bravache, souffreteux, arrière-ban, bénigne, épousseter, truchement, barioler, slipette.

«… d’humour absurbe…»

Done. Une moustache, une pipe, une principauté fantoche, du catch mexicain avec des nains déguisés en toucan, autant de bonnes raisons de batifoler gaiement dans les folles prairies de l’absurbité. D’autant que j’écris à dessein «absurbe» plutôt qu’«absurde», c’est d’autant plus absurbe, vois-tu.

«… ou d’Auvergne (“l’Auvergne, terre de contrastes”, “l’Auvergne, entre tradition et modernité”, “l’Auvergne, miracle ou mirage ?”)…»

Au fait, t’ai-je déjà dit que j’étais Auvergnat ?

«Quant au titre, je l’ai trouvé joli.»

Là, j’ai un peu menti. Certes, j’ai trouvé que «Circonflexions» était un mot joli, mais pas que. Lectorat méritant, je va t’expliquer aujourd’hui le pourquoi du comment pour te récompenser de ta fidélité.

Circonflexions = circonflexe + circonlocutions + réflexions

L’accent circonflexe, c’est un symbole de ce que j’aime beaucoup dans la langue française. La beauté de l’inutile, le geste gratuit et suranné. Cet accent ne sert plus à grand-chose dans le français d’aujourd’hui, à part peut-être à préciser une prononciation ou à marquer la disparition d’une lettre non prononcée (fenestre -> fenêtre ; forest -> forêt). EH BIEN IL FAUT LE GARDER, C’EST CE QUI FAIT TOUT LE CHARME. C’est notre lettre de cachet.
La circonlocution, c’est un détour verbal, une arabesque de la pensée, tout le contraire de la ligne droite. C’est la flânerie, la musardise, c’est la petite départementale fleurie plutôt que l’autoroute aseptisée.
Et les réflexions, c’est tout ce que mon cerveau malade peut te balancer comme conneries.

On dirait que tu y as pris goût, dis-moi :)

Estive

Dieu sait que j’aurais eu des choses à te raconter, d’autant que je ne cesse de me faire rare ici (ce qui me rend très cher du coup), mais je pars un mois – pour le travail, pas pour les vacances.

J’espère que quand je reviendrai tu seras tout bronzé de là à là.

Le bisou.

(Rassure-toi, Circonflexions n’est pas mort, il estive.)

Posté le: juin 29th, 2011
Catégorie: Pêle-mêle
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J’étais un enfant-loup littéraire perdu en 1ère S

Aux cinq coins de l’Hexagone, tout le monde vous le dira: je suis tout sauf un matheux.

J’ai un gros blocage avec les chiffres, qui date sans doute du jour où j’ai découvert avec effroi qu’en fait les mousquetaires n’étaient pas trois, mais quatre, voire cinq selon les écritures apocryphes qui évoquent également le jeune Albert, (un fantassin spaghettophile dont la voix à la télévision était doublée par Roland Giraud, a.k.a. le Guénéral Schpontz de Papy fait de la Résistance, comme quoi tout est lié).

J’étais, il faut bien se l’avouer, un enfant-loup littéraire perdu en 1ère scientifique par la disgrâce du fameux adage, malédiction des bons élèves indécis: «FAIS S, TU POURRAS FAIRE LE MÉTIER QUE TU VEUX». J’ai donc fait S, pour faire au final le métier que je voulais.

MAIS BORDEL QUE CE FUT LONG TOUS CES JOURS PASSÉS À TRITURER DES LETTRES GRECQUES (moi, les mathématiques, j’en pense Pi que pendre.)

Les maths, cette monstruosité.
CC Yoshi2000

Remercions ici Blaise Pascal d’avoir inventé la calculatrice, même si, depuis, de nombreux lycéens acnéiques vertement moqués pour leur mauvaise peau ont eu à s’en plaindre.

(En outre, Blaise était un splendide Auvergnat, comme quoi nos régions ont du talent, je me tue à te le répéter vilain lectorat germanopratin).

Bref.

Passant courageusement sous silence ma profonde détestation de la chiffraille, ce jour, pour tes petits yeux émerveillés, je vais équationner avec brio.

On sait par hypothèse que:

Le temps, c’est de l’argent. (1)

Or, selon le théorème dit de «Greg le millionnaire», on a:

L’argent ne fait pas le bonheur. (2)

En remplaçant (1) dans (2), on obtient:

Le temps ne fait pas le bonheur (3)

Or, par définition, on sait que:

1/(bonheur) = malheur

Ce qui, dans l’équation (3), permet de dire:

Le temps fait le malheur (4)

Sachant que “Un malheur est si vite arrivé” (Corollaire de la Loi de Murphy, in Eddy Murphy, Le Flic de Beverly Hills 3), on obtient:

Le temps est si vite arrivé (5)

La proposition (5) permet de justifier, à l’évidence, le fait que je n’aie pas trop écrit céans ces derniers temps. Et je te prie de m’en excuser, on va se ressaisir.

POST-SCRIPTUM:

Tu te souviens que je t’avais annoncé ici la tenue tous les 20 août de la Journée internationale de la Moustache.

Eh bien quelle ne fut pas ma surprise de constater, ce matin sur Facebook, que cette petite manifestation avait fait florès, à la différence près qu’ils font ça le 20 mai (oui, dans deux jours).

Nous sommes de plus en plus nombreux. Rejoins-nous avant de dérouiller velu.

Dragueur parlant

(Le texte de ce billet est une commande. Oui, j’ai des commandes figure-toi. Il a donc été publié en avant-première sur le beau blog Voldemag et je te le restranscris ici car je suis pas chien. Un grand merci à Marie et Zan’ d’avoir fait appel à mes modestes services d’aligneur de vocables.)

Hem, hem. Un deux, un deux. Pouf, pouf.

La partie la plus irrésistible de mon (éblouissante) anatomie, la plus fougueuse, la plus intime, la plus jouissive, la plus rougissante, en un mot la plus érotique, n’est pas celle que tu crois, coquinou de lectorat.

Oui, c’est rouge ; oui, ça bouge ; oui, ça va et ça vient (parfois entre tes reins). Tu donnes ta langue au chat ?

Eh bien précisément, ce dont je veux te parler, c’est de la mia lingua.

À sa grande époque, Mick Jagger avait souvent la langue un peu chargée.

(Ma gouaille, ma verve, ma faconde, quoi.)

Bon, ce n’est pas à proprement parler MA langue, je l’ai empruntée à tout un tas de prédécesseurs volubiles qui ont, au travers des siècles, malaxé l’orthographe, trituré la grammaire et pétri la syntaxe. Salé, piquant, acide, mielleux, ça chante en bouche, c’est une fête pour le palais. Tous les gastronomes te le diront: sans la langue, pas de bon goût. J’espère que tu en as, lectorat alléché, les papilles qui papillonnent.

Si je te parle de ma langue, c’est qu’elle m’a valu, dans le cadre de plus d’une décennie de transports amoureux virevoltants et rocambolesques, des satisfactions dont j’aurais bien mauvaise grâce de me plaindre.

Il y a des dragueurs dansants ; je suis un dragueur parlant.

(Chacun ses armes, merde. Notons qu’il suffit d’un petit accident de ski pour que Travolta perde de sa superbe, alors que moi, non.)

Je remercie le Robert, le Littré, le Bled, le Bescherelle, le Gaffiot et le Larousse pour toutes les affriolantes galipettes que leurs contenus, une fois remâchés et débités au kilomètre à la dame de mes pensées, ont rendu possibles.

C’est à se demander ce qu’il y a d’érotisant dans un «ne» explétif ou un adjectif verbal.

A quel moment de l’évolution l’homo erectus ou l’homo habilis s’est-il rendu compte qu’il pouvait lever de la princesse rien qu’en éructant habilement ? Qu’il n’y avait plus besoin de tracter un putain de cadavre de phacochère jusqu’à la caverne conjugale pour être récompensé d’un coït ?

En somme, quand donc ces dames ont-elles commencé à privilégier les muscles de la langue plutôt que ceux du torse?

Aucune idée, mais ça fait bien mes petites affaires vois-tu.

De là à considérer que les maîtres du langage sont aussi ceux de la chope, il n’y a qu’un pas. Le franchirais-je, sachant que la télé-réalité nous prouve exactement le contraire ?

Je vais me gêner.

Pour convaincre le Kévin à jogging de privilégier la drague langagière à la drague “hé mad’moiselle mad’moiselle, avec les jolies bottines, z’êtes charmante et tout, z’avez un 06 ?”, il suffirait d’adapter un peu ces petits programmes putassiers. D’autant qu’un vaste loft empli d’une palanquée d’individus des deux sexes s’exprimant dans le plus pur français Vaugelas, ça existe déjà.

Et ça s’appelle l’ACADÉMIE FRANÇAISE.

Imagine, lectorat émoustillé, imagine Simone flirtant avec Maurice sous la coupole et l’oeil gourmand de 35 caméras, tandis qu’Hélène, le bicorne en bataille et l’habit vert dégrafé, se ferait conter fleurette par ce coquin de Félicien, l’épée sortie (entre autre). Imagine Valéry chuintant du Baudelaire à Jacqueline dans une piscine de thalasso. Imagine Jean-Loup besognant Jean-Luc en hurlant des verbes irréguliers.

On appellerait ça «Star Académie». Ça ferait un tabac, les foules s’y presseraient (ça ferait donc un tabac-presse).

Grâce à ce rutilant concept, je gagnerais beaucoup d’argent. Ça me permettrait de compenser l’augmentation de la concurrence sur le segment des dragueurs parlants, pour me réorienter sur celui des dragueurs clinquants.

Depuis des années que j’enrichis la langue, il est grand temps qu’elle me renvoie l’ascenseur.

Ceci n’est pas une pipe

On va pas se mentir, lectorat soupçonneux, si j’ai titré comme ça c’est pour faire du clic.

Ah bah oui hein.

Tu trouves ça normal, toi, que plus d’un an après le lancement de ce bloûg, je n’aie toujours pas de troll officiel qui vienne me pourrir la vie ?

(Eh bien moi, non.)

Etant donné la décence des commentaires laissés à mon intention par toi, lectorat récurrent, il semble que tu sois finalement assez peu pervers, alors peut-être que j’attirerai davantage de tarés amateurs de nains priapiques branlant des poneys habillés en Mylène Farmer si je place le mot «pipe» en titre.

Ceci étant fait, de quoi qu’est-ce que je va donc t’entretenir ce joli jour ?

Mais de pipe, bien évidemment.

Ceci n'est pas une pipe.

Alors attention, qu’on ne se méprenne pas, fripon de lectorat. Quand je dis que je vais te parler de «pipe», il serait grossier, déplacé et vulgaire d’évoquer l’ancienne capacité de mesure pour les liquides équivalant à un muid et demi, soit quatre-cent deux litres environ. (Dieu m’en préserve.)

Ou même la tuyauterie amenant les gaz carburés du carburateur au cylindre.

Sache que je n’en piperai mot (uh uh.)

Pas plus que je ne te parlerai du bagpipe, cet instrument de musique à vent composé d’une outre en peau de mouton que le joueur, rougeaud et ridicule, gonfle par un tuyau appelé porte-vent, l’air s’échappant par une pression de l’aisselle sur l’outre à travers deux tuyaux dont l’un percé de trous produit différents sons alors que l’autre produit seulement un son commun.

(Ce serait chiant en fait.)

Quant à la fellation, je suis plutôt pour, hein, dans l’absolu, mais elle a sans doute voué ma prometteuse carrière dramatique à une interminable traversée du désert de cinq longues années, entre la classe de 4e et l’après-bac, en somme.

Je m’explique.

C’était en classe de quatrième, dans un collège auvergnat tenu par d’honorables Frères.

(Je t’arrête tout de suite, personne n’y a sucé personne.)

Au sein du club théâtre, nous devions monter la pièce de Molière Le Malade Imaginaire. J’y interprétais, avec un talent scénique certain qui aurait au moins dû me valoir une nomination aux Molières (précisément), le rôle de Thomas Diafoirus, fils à papa débile et bafouilleur, débitant au kilomètre des compliments incompréhensibles.

Nous sommes sur scène, tout le collège est dans la salle des fêtes.

Et là, acte II scène 5, le drame. (LE DRAME.)

J’ai dérapé, j’ai rippé, j’ai fourchu.

Au moment où Thomas Diafoirus torche son petit mot de salutation à son futur beau-père Argan, il a ces mots:

«Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir et révérer en vous un second père, mais un second père auquel j’ose dire que je me trouve plus redevable qu’au premier. Le premier m’a engendré ; mais vous m’avez choisi. Il m’a reçu par nécessité ; mais vous m’avez accepté par grâce. Ce que je tiens de lui est un ouvrage de son corps ; mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre volonté ; et, d’autant plus que les facultés spirituelles sont au-dessus des corporelles, d’autant plus je vous dois, et d’autant plus je tiens précieuse cette future filiation…»
Molière, Le Malade Imaginaire, acte II scène 5.

L’ENSEMBLE DU COLLÈGE (enfin, surtout mon frère aîné et ses potes au dernier rang), L’ENSEMBLE DU COLLÈGE, DONC, N’A PAS VRAIMENT ENTENDU «FILIATION».

Eh non.

Pourtant, ceci n’était pas une pipe.

Bon, voyons le bon côté des choses: pour un rôle comique, l’essentiel n’était-il pas de faire rire ? Et quoi de plus drôle qu’une pipe ?

Là-dessus je vous renvoie à ce que nous en disait jadis Doudou Baer.

«Et là, la pipe. Qui dit pipe dit rire, pipe c’est drôle toujours hein, surtout si y’a du tabac dedans. Pipe, tabac, rire, l’équation est connue.»
Edouard Baer, Le Centre de visionnage de l’émission Nulle part ailleurs sur la chaîne Canal plus dans le but de contribuer à son amélioration dans la mesure où il y aurait lieu de le faire.

Je te baragouine depuis une bonne dizaine de minutes sur les déboires que j’ai connu sur les planches (où je suis remonté depuis, ne t’inquiète pas pour mes péripéties de comédien impubère moqué pour un bien innocent lapsus), mais j’en oublie presque l’essentiel.

ON M’A RÉCEMMENT OFFERT UNE PIPE.

Oui, une pipe. Pas l’ancienne capacité de mesure pour les liquides ; pas la tuyauterie amenant les gaz carburés du carburateur au cylindre ; et pas le bagpipe non plus. Non, une pipe, une pipe à tabac, une belle pipe en bois bien taillée.

J’avoue que ne fumant pas, je n’en ai pas l’usage, mais j’aime l’idée absurbe de me balader une pipe au bec. (C’est du même ordre que la moustache: délicieusement suranné.)

Adoncques, pipe au coin de la bouche comme un Popeye de pacotille, je vais, avec la jolie personne à l’origine de ce beau cadeau, l’étrenner dans un bar parisien sis à Oberkampf.

Ça n’a pas raté: sitôt exhibée ma «pipe de bruyère véritable», un inconnu m’aborde, se dit lui-même fumeur de pipe (là je me dis que j’ai mis les pieds dans une confrérie secrète type secte ou franc-maçonnerie, où les fumeurs de pipes se donneraient rendez-vous à intervalles réguliers pour décider dans l’ombre de la marche du monde: «Kennedy ? Il fume des Marlboro, je veux qu’il soit éliminé.») et demande à observer l’objet.

J’y consens de bonne grâce, mais le type s’interrompt aussitôt et me lâche, après étude:

«Ah ouais mais elle est pas culottée ta pipe.
- Plaît-il ?
- Je dis: elle n’est pas culottée.
- Ecoutez, mon petit monsieur, c’est vous qui êtes culotté. C’est à peine si je vous connais, et vous me parlez pipe, vous me parlez culotte, vous êtes un grossier merle.
- Culottée, ça veut dire que t’as jamais fumé avec, quoi.
- Bé oui, je fume pas, quand j’étais gamin j’ai eu une longue carrière d’asthmatique. Des fois, sous l’emprise d’un cidre brut ou d’un vin cuit, je chipe des cigarettes et je crapote pour faire comme les grandes personnes. NE ME JUGE PAS HEIN.
- Tu vois, il faudrait que tu fumes deux-trois fois avec ta pipe, ça brûlerait les contours et ça lui donnerait meilleur goût.
- Mais si je fume, je vais attraper le sida des poumons, non ? En plus je me connais, je vais tousser salement. Ce sera pathétique.
- C’est une bien belle pipe que tu as là. Pour commencer cela dit, c’est peut-être mieux une straight plutôt qu’une bended.
- Euh. Moi personnellement je suis straight hein. Ne tentez rien je vous en prie. Je ne suis pas intéressé.
- Ah non, là c’est une bended.
- Pas intéressé. Cela dit j’ai beaucoup d’amis qui en sont, je n’ai rien contre hein.
- Straight la pipe est tout droite…
- Je veux pas le savoir. Ça me répugne.
- … et bended c’est une pipe courbée.
- Ça doit faire mal au dos votre truc. Enfin moi je dis ça, mais je suis du tout pas intéressé.»

Après quoi, on a évacué le quiproquo: monsieur n’était pas un inverti, monsieur était réellement un fumeur de pipe (bien que ce ne soit pas incompatible). Il était avec un couple d’amis ; la jolie personne offreuse de pipe et moi-même les avons rejoint à leur table et c’est ainsi que grâce à la «pipe en bruyère véritable» on a picolé toute la soirée avec d’illustres inconnus.

Alors quand je lis, sur le site Fumeurs de pipe, que:

«La pipe est au départ un plaisir solitaire.»

Je me marre et je dis: c’est du PIPEAU.

Mon bar de compaings

Je ne sais pas vraiment si j’ai trouvé, mais en tout cas c’est un bon début.

Trouvé quoi?

Tu ignorais, lectorat assidu, que je fusse en quête de quoi que ce soit, moi qui ai, j’en conviens, déjà tout?

Relis bien ce que je t’écrivais il y a déjà près d’un an.

Je cherchais un bar de copains. C’est-à-dire un «bareuh de compaings», comme disent les gros santons phocéens lorsque leur légendaire bonhomie méridionale les pousse à dégoiser, entre deux pétanques arrosées de pastis, de chaudes roucoulades ensoleillées qui sentent bon la ciboulette, le romaring et la garigoule.

(Je dis ça car je suis récemment allé à Marseille. C’est très joli. On se croirait sur la Côte d’Azur.)

J’ai donc trouvé un début de «bareuh de compaings».

Oui-da.

J’aime beaucoup l’expression oui-da, avec elle j’ai l’impression de militer pour l’amitié franco-russe. Mais là n’est pas mon propos, quoiqu’on puisse tout à fait dénicher un Russe amical dedans ledit début de bar de copains. (C’est un début de bar de copains, c’est-à-dire un début de débit de boissons compagnifère.)

Si tu ne déniches pas un Russe amical, tu peux toujours y déguster un russe blanc. Personnellement je ne le recommande pas, j’ai toujours trouvé très absurde cette manière de remplacer le Nesquik par de la vodka.

Et puis la seule personne qui me vienne à l’esprit quand on parle de russe blanc, c’est l’anti-héros de The Big Lebowski, a.k.a. Jeff Bridges, qui en sirotait tranquillou en robe de chambre, le bouc constellé de lait façon réclame pour des sensations pures à la montagne avec des simili éjac-faciales sur la bouche des surfeuses des neiges tu vois.

Cet endroit se nomme le Cinquante.

Le cinquante un bar qu'il est joli.

Sis, comme son nom l’indique, au 50 rue de Lancry en la ville de Paris. Se sont pas foulés oué je te l’accorde. Le Cinquante, comme dans «Nous partîmes cinquante et par un prompt renfort». Ou bien dans «Voilà, M’ame Grabiau, du mou pour votre chat. Ah, y’a cinquante grammes de trop, je vous l’laisse ?»

Ce début de bar de copains (DBC) est en fait le QG d’une de mes très bonnes amies (en fait maintenant il se trouve que j’y vais plus souvent qu’elle, alors bon). Je ne touche aucune rétrocommission sur son chiffre d’affaires, et d’ailleurs je t’incite à ne pas y aller parce que ça m’embêterait de surpeupler l’endroit, j’aime pouvoir y trouver de la place à toute heure tu comprends.

C’est un établissement sis à République où on refait le monde en sifflant un mojito à la noix de coriandre. Oh, ça ne paie pas de mine. Il faut dire qu’à l’entrée, c’est tables formica, piliers de comptoir et brèves de zinc. On y boit un p’tit noir et une mousse au p’tit matin comme on a toujours fait. Par bonheur, il y a deux arrières-salles successives avec piano et ambiance rustique-pierre de taille, qui fleurent bon les tablées d’amis, les planches de charcutaille et le « On reprend un verre, t’façons vu l’heure c’est mort pour le dernier métro ». Petit bémol, il n’y a pas de terrasse, mais quand on y va en nocturne c’est pas vraiment indispensable, tu l’admettras.

Surtout (surtout !), le plus fou dans ce bar, c’est qu’on y fait toujours des rencontres incroyables.

Tiens, par exemple, l’autre jour, je discutais avec un ami plus francilien que moi, qui vient d’ailleurs de lancer un blog consacré à la Gouaille, oui, la Gouaille, cet art très français, je t’incite à aller y faire un tour, et je lui disais au détour d’une phrase: « Au Cinquante, on fait toujours des rencontres incroyables. »

C’est bien ce que je disais.

Petit aperçu de la faune avec laquelle j’ai eu l’heur de frayer en ces lieux: un petit bonhomme baraqué avec un tableau de Kandinsky tatoué sur le dos ; un gay roux tout de noir vêtu sauf les baskets, qu’il avait roses et « achetées à New-York » ; un black rigolard à bérêt qui s’appelle Fritz ; un genre de sosie d’Yvon Le Bolloc’h tout maig’ dans une grande chemise blanche très ample et qui se dit comédien ; un mec qu’on a rebaptisé « Bimbin Souché » pour des raisons qu’il serait fastidieux de t’expliquer ici, et qui a fait d’un ami et de moi-même ses conseillers ès divorce ; une jeune femme qui fumait la pipe tranquillou (merci de n’y voir aucune connotation sexuelle, lectorat dépravé) ; un vieux maghrébin qui baragouinait franco-bledard et riait de toutes ses dents manquantes ; une ex-danseuse quinquagénaire, répondant au doux nom d’Hélène, et qui entreprend parfois dans son manteau de fausse fourrure des chorégraphies de haute volée entre les deux colonnes qui encadrent la porte d’entrée.

Parfois, quand je demande une Suze-Tonic au bar (ne me juge pas, c’est une régalade), on me répond qu’Hélène a bu toute la Suze.

Ah çà, on y fait toujours des rencontres incroyables.

Il faut dire que le dimanche soir, c’est soirée chants, ça aide pour l’incroyabilité des rencontres. Alors il y a un peu de tout, de l’étudiant à l’habitué, et pis ça entonne des standarts à tue-tête avec le guitariste Marcello qui joue les chansons à la demande. C’est assez peu parisien cette chose-là (parole de provincial).

Détail qui tue: les murs des toilettes sont recouverts d’une peinture sombre uniforme. Il y a des craies à disposition et on peut y gribouiller à loisir, jusqu’à ce que, périodiquement, toutes les inscriptions soient effacées à l’éponge et l’espace laissé vide pour de nouveaux graffitis post-pissou. C’est un peu un cabinet de curiosités façon tableau noir. J’apprécie particulièrement, tu le devines.

J’ai scellé un petit défi avec moi-même qui me pousse, chaque fois que je m’isole en ce joli lieu, à inscrire au mur la même et sempiternelle phrase, comme un gimmick (la raison ici):

Quel que soit le montant que tu me demanderas, Rémy, toujours, je dis bien toujours, Benoît y pourvoira.

Voilà, si tu te rends au Cinquante et que tu tombes sur cette phrase aux chiottes, dis-toi que c’est une trace toute fraîche de mon passage en ce point d’eau. Et que vu la profondeur je ne vais pas tarder à mettre bas.